Akemi no sekai

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Comment savoir à quel registre appartient mon roman ? 2/4

Publié le 04/01/2015 dans Rédaction.

Nous allons enfin parler des registres littéraires, qui traitent davantage du contenu des œuvres que de leur forme. Ils permettent de définir le style d’une œuvre appartenant à un genre littéraire. Tous les genres expliqués dans la partie précédente ne peuvent pas se décliner en différents registres.

Il existe deux grands registres qui se décomposent eux-mêmes en de nombreux sous-registres : le réalisme et la fiction.

Arbre avec pour tronc les genres littéraires et dans les branches, les deux registres principaux (fiction et réalisme) et leurs rameaux correspondant aux sous-registres.
Illustration d’un arbre des registres littéraires

Le réalisme

On parle aussi de mimétisme (qui imite la réalité) ou de mainstream (dans le sens de courant dominant ou mode de pensée majoritairement existant). Dans le registre réaliste, on retrouve des sous-registres de différents genres littéraires comme :

La fiction

On parle aussi de l’imaginaire. La fiction se décline en quatre sous-registres très importants et particulièrement difficiles à différencier et à définir. Je vais donc consacrer la plus grande partie de cet article (et des suivants) à parler d’eux pour vous les expliquer. Le but, c’est que vous finissiez la lecture de ce post en vous disant « Ah d’accord, donc en fait, ce que j’ai écrit, c’est du fantastique (ou de la fantasy…) ! » Ok ? C’est parti !

Le merveilleux

Autant commencer par le plus simple. Pour savoir si une œuvre appartient au registre merveilleux, il faut repérer des éléments typiques, dont en priorité le surnaturel, ou la magie et la féerie.

Dans un texte merveilleux, l’histoire se situe le plus souvent à une époque indéterminée et l’univers est irréel ou parait très ancien, voire moyenâgeux. On retrouve un Roi, une Reine, un méchant comte ou une sorcière et bien sûr, une ou deux fées et quelques ogres maléfiques.

Gravure de la Belle au bois dormant représentant la jeune Aurore qui s’apprête à prendre le fuseau pointu à la vieille sorcière.

Le plus bel exemple de texte merveilleux, appartenant au genre narratif, est le conte. On y retrouve parfois une notion de morale.

Dans la littérature française, il y a Les contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault, dont certains ont été adaptés par les studios Disney. Vous en connaissez forcément.

Gravure de la Belle au bois dormant représentant la jeune Aurore qui s’apprête à prendre le fuseau pointu à la vieille sorcière.

Il était une fois un Roi et une Reine qui étaient si fâchés de n’avoir point d’enfants, si fâchés qu’on ne saurait dire. […] Enfin pourtant la Reine devint grosse, et accoucha d’une fille : on fit un beau Baptême ; on donna pour Marraines à la petite Princesse toutes les Fées qu’on pût trouver dans le Pays (il s’en trouva sept), afin que chacune d’elles lui faisant un don, comme c’était la coutume des Fées en ce temps-là, la Princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables. […] Mais comme chacun prenait sa place à table, on vit entrer une vieille Fée qu’on n’avait point priée parce qu’il y avait plus de cinquante ans qu’elle n’était sortie d’une Tour et qu’on la croyait morte, ou enchantée. […] La vieille crut qu’on la méprisait, et grommela quelques menaces entre ses dents.[…] Le rang de la vieille Fée étant venu, elle dit en branlant la tête, encore plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d’un fuseau, et qu’elle en mourrait. Ce terrible don fit frémir toute la compagnie, et il n’y eut personne qui ne pleurât.
Extrait de La Belle au bois dormant

Ce conte comprend tous les éléments qui le font indubitablement appartenir au registre merveilleux. Il y a un royaume, dans un passé ancien que l’on ne peut définir précisément, une princesse sous l’emprise d’un pouvoir magique maléfique, et – élément le plus important et qui permet de différencier ce conte merveilleux d’une œuvre fantastique – la magie qui envoute la princesse est connue et son existence est acceptée et fait partie de ce monde (les fées sont reconnues de tous et même conviées par le Roi lui-même pour le baptême de sa fille).

En effet, le merveilleux et le fantastique peuvent paraitre très semblables dans le sens où des évènements surnaturels et magiques interviennent dans un univers qui semble assez proche du monde réel que nous connaissons. Seulement, dans le merveilleux, ces évènements sont acceptés par les personnages et donc par le lecteur, qui fait confiance au narrateur de l’histoire. Ce n’est pas le cas dans le registre fantastique.

Le fantastique

Ce registre se caractérise donc par l’intrusion d’un élément surnaturel dans un monde réaliste. Contrairement au merveilleux, ce qui est surnaturel est mal perçu par les personnages, ce qui rend le lecteur dubitatif quant aux évènements qui se déroulent. Le lecteur est hésitant, il doute, il ne sait plus si ce que le narrateur raconte est vrai ou pas, il se demande si c’est naturel ou bel et bien surnaturel, il ne voit plus où est la logique des choses. En fin de compte, il se méfie du narrateur, et il a raison, car il n’obtient pas d’explication rationnelle de ce qui se produit et ne sait pas si le narrateur (ou les personnages, si le point de vue narratif est externe) est fou ou si tout ce qu’il relate s’est bel et bien produit.

Le registre fantastique se caractérise donc principalement par deux éléments importants :

Il est également possible, mais pas systématique, que l’ambiance du récit soit angoissante et que les personnages ressentent une peur intense par rapport aux évènements qui se produisent.

Voici deux exemples de textes fantastiques :

Le corps, je le répète, remuait, et, maintenant plus activement qu’il n’avait fait jusque-là. Les couleurs de la vie montaient à la face avec une énergie singulière, – les membres se relâchaient, – et, sauf que les paupières restaient toujours lourdement fermées, et que les bandeaux et les draperies funèbres communiquaient encore à la figure leur caractère sépulcral, j’aurais rêvé que Rowena avait entièrement secoué les chaînes de la Mort. Mais si, dès lors, je n’acceptai pas entièrement cette idée, je ne pus pas douter plus longtemps, quand, se levant du lit, – et vacillant, – d’un pas faible, – les yeux fermés, – à la manière d’une personne égarée dans un rêve, – l’être qui était enveloppé du suaire s’avança audacieusement et palpablement dans le milieu de la chambre. Je ne tremblai pas, – je ne bougeai pas, – car une foule de pensées inexprimables, causées par l’air, la stature, l’allure du fantôme, se ruèrent à l’improviste dans mon cerveau, et me paralysèrent, – me pétrifièrent. Je ne bougeais pas, je contemplais l’apparition. C’était dans mes pensées un désordre fou, un tumulte inapaisable.
Extrait de Ligeia des Histoires extraordinaires d’Egar Allan Poe.

Cet extrait se situe vers la fin de la nouvelle, après que le personnage principal, ayant perdu sa première femme d’une maladie, se retrouve au chevet de la seconde, mourante. Il s’est longuement occupé d’elle tout en repensant, inévitablement, à sa précédente épouse disparue dans des circonstances similaires.

Dessin d’une femme brune enveloppée d’un linceul, sur fond rouge, comme une revenante d’entre les morts.

Tandis que son épouse malade commence à lui parler d’apparition fantomatique et de murmures dans la chambre, lui, drogué et fatigué, décide de ne pas y prêter attention. Elle finit par mourir et, toujours à son chevet, l’homme remarque des évènements étranges. Sa femme décédée se met tout à coup à respirer de nouveau, les couleurs reviennent sur ses joues et ses lèvres expirent un souffle, mais tandis qu’il essaye de la réchauffer et de la réveiller, elle meurt de nouveau.

Cet évènement se répète tout au long de la nuit et le pauvre homme ne sait plus s’il devient fou à cause de l’opium ou si tout se déroule bel et bien. Il est comme hanté par une ombre (qu’il pensait déjà avoir vu empoisonner sa bien-aimée, mais dont il refusait d’admettre l’existence). Au moment de l’extrait, le cadavre se lève du lit, comme animé par un fantôme. Tous les éléments du fantastique se retrouvent ici :

Au-dessus de ces hiéroglyphes, il y avait une silhouette dont il était impossible de déterminer la nature exacte à cause de son exécution impressionniste. Cela ressemblait à une espèce de monstre ou à un symbole représentant un monstre que seul un esprit malade avait pu s’amuser à concevoir. Si je vous dis que mon imagination quelque peu extravagante se forgea à la fois l’image d’une pieuvre, d’un dragon et d’un humain caricatural, je pense que je ne serai pas loin de l’esprit de la chose. Une tête aux tentacules de poulpe surmontait un corps squameux et grotesque doté d’ailes rudimentaires. Pourtant c’était le plan d’ensemble qui rendait le tout particulièrement effrayant, car derrière la silhouette, en arrière-plan, on devinait vaguement une architecture cyclopéenne.
Extrait de L’Appel de Cthulhu de H.P. Lovecraft.
Dessin du monstre marin Cthulhu, couvert de tentacules, dans sa cité perdue aux murs suintant d’algues verdâtres.

Dans cet extrait, Thurston découvre la tablette d’argile que possédait son oncle décédé. D’emblée, l’ambiance du récit est oppressante et glauque du fait que l’homme se retrouve à sortir tous les documents de ses recherches parce qu’il trouve la mort de son oncle douteuse.
La tablette d’argile représente un monstre qui effraie aussitôt Thurston. Il s’interroge sur sa provenance et sur la signification des notes de son oncle qui faisait de toute évidence des recherches complexes et étranges. Ce n’est que le début de l’histoire…

Je ne peux pas vous citer d’autres extraits, car il faut vraiment lire l’Appel de Cthulhu du début à la fin sans se laisser distraire pour apprécier la mise en abyme que nous subissons en même temps que Thurston (qui est le narrateur) au fur et à mesure que l’on découvre ce que sont les recherches de son oncle, à quoi correspond la tablette d’argile et ce qu’elle représente.

Dans cet ouvrage, toutes les notions du fantastique sont présentes :


Dans la partie suivante, je vous parlerai du registre de la fantasy qui est très complexe et mérite un article particulier.

Crédits des images :