Akemi no sekai

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L’esprit de la forêt de Jikiti Buinaima

Publié le 02/04/2020 dans Lectures.

J’ai enfin pu terminer la lecture de L’esprit de la forêt de Jikiti Buinaima. Cela faisait longtemps que je l’avais commencé et il méritait que je m’y attarde encore.

Résumé

Jikiti est un Indien Miraña de Colombie. Dans ce livre, il raconte son enfance dans la Selva, la forêt tropicale d’Amazonie. Il parle de ses origines, marquées par l’exploitation du caoutchouc faite par les Européens. Il relate également son éducation auprès de son grand-père chaman qui lui apprend, entre autres, à reconnaître, à cultiver et à utiliser les plantes médicinales de la jungle.
Le récit se poursuit avec l’exil de la tribu Miraña, forcé par le développement rapide de la déforestation dans les années 1960.
Jeune adulte, Jikiti part ensuite explorer le reste de l’Amazonie. Il travaille pour les Blancs dans les mines d’or et de bauxite, au péril de sa vie. Désireux de protéger son peuple et les cultures indigènes, Jikiti apprend la culture et la langue des Blancs ; le portugais d’abord, puis le français.
Son récit se termine en France, où il vit avec sa femme, sans pour autant se sentir vraiment chez lui.

Dès son plus jeune âge, Jikiti a fait la promesse de venger les souffrances des indigènes et la destruction de la Selva. Pour honorer cette promesse, il a choisi la voie pacifique et diplomate. Autodidacte dans son apprentissage de la culture européenne, il s’est efforcé de la comprendre. Il a ensuite imaginé un plan, qu’il partage avec nous à la fin du livre, pour diffuser les injustices et les horreurs commises contre son peuple et sa terre, espérant ainsi faire réaliser aux industriels qui dévastent le monde et aux autres qui détournent le regard, que les Indiens d’Amazonie sont des êtres humains, comme eux, que leur culture est précieuse et que détruire la forêt amazonienne et tous ses habitants (humains, autres animaux et végétaux extraordinaires) revient à commettre un crime contre le monde entier et contre l’avenir de l’humanité.

Autour de l’œuvre

Le livre autobiographique de Jikiti Buinaima est paru en 1996, alors que l’auteur avait, semble-t-il, presque 50 ans. Il raconte le drame de sa vie, et de celle de milliers d’autres indigènes d’Amazonie, mais il est difficile de trouver des informations sur lui. Il semblerait qu’il n’ait rien écrit d’autre.

Quant aux approches qu’il propose à la fin de l’ouvrage pour aider les peuples indigènes d’Amazonie, nous n’en trouvons aucune trace sur le net français. Cela n’a rien de surprenant puisque la France est toujours très en retard sur tout ce qui touche aux droits et au respect de la Nature. Ses habitants ne voient pas plus loin que le pas de leur porte, et encore…
En revanche, un page Wikipédia en anglais parle de l’Organisation Nationale des Indigènes de Colombie (ONIC) rappelant l’organisation des indigènes que Jikiti souhaite voir se développer. Cette ONG a été fondée en 1982, soit avant la sortie de l’ouvrage, mais en pleine période de « combat » pour Jikiti Buinaima.

Il est très difficile en Europe, mais aussi sans doute aux États-Unis et globalement dans tous les pays « riches » hyper-développés et compétitifs, de savoir ce qu’il se passe réellement de l’autre côté du monde, dans la guerre des ressources. Les États savent très bien ce qu’ils font et combien ils gagnent à se laisser corrompre par les grands industriels. En revanche, les habitants de ces états ignorent globalement la vérité, et ils ne cherchent pas à la connaître. Ce livre nous la révèle.

Mes impressions

Ce récit m’a troublée. Je sais que les colons européens ont décimé les peuples d’Amazonie, je sais aussi qu’ils ont ravagé la jungle, pillé les trésors et anéantis des dizaines de cultures indigènes. Je l’ai toujours su, je crois. Mais le voir décrit et partager avec l’auteur la détresse et l’horreur que son peuple a vécu… Et en plus, prendre conscience que c’est tout à fait récent. Nous ne parlons pas de la découverte de l’Amérique au XVᵉ siècle ! Tout cela s’est produit au siècle dernier, et se produit encore aujourd’hui. C’est une blessure de plus face au constat de la destruction imminente de notre monde, de la vie sur Terre.

Ce que j’ai aimé

Malgré ce constat, j’ai beaucoup aimé le livre. Il y a plusieurs raisons à cela :

Ce que j’ai moins aimé

Cette lecture m’a pris beaucoup de temps parce que j’avais du mal à assimiler et à retenir tous les végétaux cités par Jikiti. J’ai fini par comprendre qu’il ne serait pas avare en explications et qu’il reviendrait sur la description de certains d’entre eux. Je suis donc parvenue à lire l’ensemble de son récit sans buter sur les noms des dizaines d’espèces de palmiers mentionnées. À la fin de ma lecture, j’ai compris que l’auteur avait sans doute volontairement nommé tous ces arbres, tout comme il avait mentionné toutes les tribus indigènes vivant autour du fleuve. Il voulait ainsi montrer la richesse de l’Amazonie et l’énorme gâchis que les Blancs en ont fait.


Je pense qu’il est indispensable que chacun lise ce récit autobiographique. Le désenchantement que l’on ressent lorsque Jikiti est confronté à la dure réalité est gênant, mais il est nécessaire au message qu’il veut transmettre. Plus de 20 ans après sa parution et des dizaines d’années de lutte, il est effrayant de constater que nous, Européens, ne connaissons toujours pas le mal que notre mode de vie engendre. La crise est là depuis toujours. Jikiti, jeune Indien vivant dans la jungle, la pressentait déjà. Les tribus indigènes d’Amazonie se sont unies contre l’adversité pour faire entendre leur voix, leur cri d’alerte, afin de sauver leurs peuples, leurs cultures, leurs terres. Déjà, il y a près de 50 ans, les hommes les plus proches de la Nature et de la vie elle-même nous apprenaient que nous ne trouvions pas les richesses où elles existaient véritablement, que nous ôtions à la Terre son cœur agonisant et que nous courrions à notre propre perte.

Aujourd’hui, rien n’a changé. J’espère sincèrement que des actions concrètes ont permis aux peuples d’Amazonie, et des autres forêts tropicales pillées, de retrouver leurs racines. Malheureusement, pour le reste, tout semble vain et nous sommes d’ores et déjà noyés jusqu’au cou dans la plus grande crise écologique que l’Homme ait connu.

Pas très réjouissant tout cela. S’il y a bien une chose à faire avant la Fin, c’est bien de lire ce récit. Ouvrir les yeux et comprendre ses erreurs nous permettra peut-être une meilleure réincarnation ^^.