La dramaturgie – L’art du récit de Yves Lavandier
Pour la première fois de ma vie, en dehors du système scolaire, j’ai lu un manuel dans son intégralité ! Il s’agit de La dramaturgie – L’art du récit de Yves Lavandier.

Yves Lavandier est un auteur dramatique, cinéaste et script doctor qui nous propose, à travers cet essai, de comprendre les mécanismes de la dramaturgie et d’en identifier tous les composants afin d’être bien préparé à écrire une histoire savoureuse.
Il s’agit donc de faire vivre des émotions, de cultiver le beau, de communier avec le public et d’une certaine manière, de grandir en même temps que lui. Pour ce faire, Yves Lavandier explique divers procédés et règles – qui ne sont pas vraiment des règles à part entière – illustrés de nombreux exemples de films ou de pièces de théâtre.
Je n’ai pas vu ou lu la moitié des œuvres dont il parle, mais il détaille suffisamment certains exemples pour rendre ses propos compréhensibles. J’ai préféré me concentrer sur les œuvres que je connaissais pour poursuivre mon apprentissage.
Durant ma lecture, j’ai pris quelques notes sur des notions qui me paraissaient importantes ou sur des généralités bonne à garder en mémoire. Voici la synthèse de ces notes.
Généralités
Définition
La dramaturgie est l’imitation et la représentation d’une action humaine. Une œuvre dramatique retranscrit des scènes de la vie.
Selon Aristote, une œuvre dramatique est conçue pour être vue et/ou entendue, non pas lue – à la différence d’une œuvre littéraire.
But
Le but de la dramaturgie est de faire entrer en communion les pensées et les désirs avec les images et les émotions.
En effet, chacun connait assez bien ses propres pensées et ses propres désirs, mais ignore qu’elle image et quelles émotions il véhicule auprès des autres. En revanche, chacun connait l’image et les émotions associées que renvoient les autres, mais il ignore ses pensées et ses désirs réels. Grâce à son invitation à l’identification, la dramaturgie permet donc de se fondre dans l’autre et par là-même de réunir les pensées et les désirs avec l’image et les émotions.
Liens et besoins
Une œuvre dramatique créé deux types de liens :
- entre l’auteur – qui transparait à travers les personnages – et le spectateur,
- entre le protagoniste et le spectateur qui s’y identifie.
Ce type d’œuvre n’existe que par et pour le public.
Ainsi, une œuvre doit satisfaire trois besoins :
- émotions,
- sens,
- distraction.
Pour ce faire, il convient :
- de s’adresser, chez le spectateur, à ce qui fait le fond commun de l’humanité, sans forcément tenir compte des goûts et des avis de tout le monde, notamment des « mauvais instincts » (l’attrait du sensationnel, la peur de la nouveauté, le conservatisme ou au contraire l’excès de rupture avec ce qui est acquis),
- de faire surgir l’œuvre dans les bonnes circonstances qui font d’elle un ciment social, qui font qu’elle crée une adhésion collective.
Nombre d’artistes ne sont passés à la postérité qu’après leur mort parce que leurs œuvres ne parlaient pas aux personnes de leur temps…
Règles
Ainsi, il convient d’appréhender les règles de la dramaturgie qui reposent sur le dénominateur commun aux êtres humains.
Lorsqu’une œuvre les ignore, elle ne s’adresse en fait qu’à ceux qui partagent la même sensibilité que son auteur. Autrement dit, l’auteur s’adresse à lui-même…
Ceci dit se formater n’apporte rien de bon et en général, les règles de la dramaturgie ne sont pas réellement établies comme telles tant il y a d’exceptions. Tout bon auteur fait les règles siennes et cultive les différences.
Principes de base
Globalement, une œuvre dramatique s’axe autour d’un personnage, d’un objectif à accomplir et d’obstacles qui se dressent pour l’empêcher.
Les personnages
Le protagoniste
Le protagoniste est le personnage qui vit le plus de conflits dynamiques (cf. ci-dessous). Il peut y avoir plusieurs protagonistes s’ils partagent le même objectif. Cet objectif doit être crédible, clair et ne doit pas englober trop de choses. Il doit parler au spectateur afin qu’il s’identifie au protagoniste.
Dans tous les cas, le protagoniste n’a qu’un seul objectif à atteindre et ses tentatives, ainsi que les difficultés qu’il rencontre, déterminent le déroulement du récit (l’action). Le protagoniste peut être inconscient de son objectif, mais le spectateur, lui, l’a identifié. Cet objectif principal est appelé objectif dramatique et c’est son achèvement et son renoncement qui donneront la réponse dramatique de l’œuvre. Parallèlement, le protagoniste peut accomplir des objectifs « trajectoriels » qui sont parfois inconscients et peuvent l’amener à changer (transformation psychologique et/ou morale), à le faire « grandir », en général pour le « meilleur ». Parfois, il ne change pas du tout, mais il fait changer les autres autour de lui.
L’antagoniste
Il s’agit d’un personnage :
- omniprésent,
- qui possède un objectif clair et unique,
- qui définit l’action,
- qui constitue, dans ses tentatives pour atteindre son objectif, le principal obstacle du protagoniste.
Il n’est pas forcément présent dans une œuvre et il n’est pas obligatoirement « méchant ». Ceci dit, s’il est l’ennemi du protagoniste et qu’il fait le mal par ses actions, une autorisation implicite est donnée au spectateur de le haïr. Or, la haine, le rejet, etc, sont des ciments sociaux qui donnent du poids à l’œuvre auprès du public.
Caractériser ses personnages
Ce qui caractérise un personnage est ce qui le sort de la norme, ce qui le rend différent des autres. Il s’agit de :
- sa manière de réagir en situation de conflit,
- ses objectifs,
- ce qui motive ses objectifs, ses désirs,
- les moyens qu’il met en œuvre pour atteindre ses objectifs.
Si un trait de caractère particulier doit servir une scène, il doit être introduit avant la scène en question.
Des obstacles internes, des défauts à surmonter, peuvent amener le personnage à changer, à « grandir ». Ceci dit, ce n’est pas très crédible, car dans la vie il n’y a que peu d’événements marquants qui peuvent faire profondément changer les gens (le deuil, le risque de mourir, la mort évidemment et une grosse déception amoureuse, à la limite). La répétition du défaut qui porte peine au personnage serait plus avisé, mais la transformation plait davantage au public, surtout si elle est positive. Ce changement reste possible, mais il nécessite aide et efforts.
Pour présenter un personnage on peut :
- faire parler de lui par d’autres personnages,
- faire en sorte que sa première apparition soit à la hauteur de ce qu’on attendait par rapport à ce qu’on a appris,
- faire transparaître immédiatement la caractéristique principale du personnage.
L’objectif
On l’a vu, l’objectif doit être clair. Il faut qu’il soit :
- connu du spectateur rapidement au début du récit,
- motivé (connaître l’enjeu, ce que le protagoniste peut gagner ou perdre),
- difficile à atteindre, mais pas impossible (doser les obstacles).
Et il faut que le protagoniste soit animé d’un intense et inébranlable désir d’atteindre cet objectif. Le spectateur doit sentir qu’il lui coûterait d’abandonner ou d’échouer.
Le conflit
Définition et généralités
Le conflit est un élément commun à la majorité des œuvres dramatiques. Il s’agit d’une situation qui génère des sensations ou des sentiments désagréables pour le protagoniste (le personnage qui a un but à atteindre) et/ou pour le spectateur. Par ailleurs, même s’il génère des souffrances à court terme, il peut engendrer des conséquences positives plus tard.
Il est présent dans une œuvre dramatique parce que la dramaturgie imite la vie et que la vie n’est qu’une suite de conflits : éviter la faim, le froid, la douleur, la disparition de l’espèce, etc. En d’autres termes, le conflit rend l’œuvre crédible.
Il existe deux types de conflits :
- le conflit statique : il est vécu par le personnage, mais celui-ci ne peut rien y faire du tout,
- le conflit dynamique : le personnage peut agir directement dessus et le résoudre.
Par exemple, dans le film des années 50’ La plage déserte, un homme est coincé sous une jetée (conflit statique) et sa femme doit trouver de l’aide avant la marée haute (conflit dynamique).
Il est préférable de mélanger les deux types de conflits, car ce sont les conflits dynamiques qui font avancer le récit, même si ce ne sont pas forcément des actions mouvantes. Le personnage qui vit le plus de conflits, a fortiori de conflits dynamiques, est le protagoniste de l’histoire.
Facteur d’identification
Dans une perspective de conflit (qui est externe au personnage, c’est-à-dire qui ne lui est pas directement liée), le spectateur doit disposer au préalable des informations nécessaires afin de ressentir le conflit et de partager les émotions du protagoniste (identification).
Par exemple, dans la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac, le spectateur sait que Cyrano aime Roxane dès le début de la pièce. Alors quand Roxane révèle à Cyrano qu’elle aime Christian, le spectateur partage la déception de Cyrano.
Les personnages peuvent ne pas vivre de conflit, mais leur histoire peut en susciter chez le spectateur ; de la nostalgie par exemple.
Le spectateur peut donc s’identifier au protagoniste. Les révélations qui permettent de résoudre les conflits sont donc très importantes et sont source d’une immense émotion pour le spectateur également. Il ne faut pas les négliger !
Relations conflictuelles
- Avec soi-même (ses défauts, etc),
- avec autrui (une autre personne concernée par l’objectif, un rival, la famille, etc),
- avec la société (morale, opinion publique, etc),
- avec la nature (phénomènes naturels comme des tempêtes, etc),
- avec le hasard ou le destin.
Obstacles
Le conflit, qui empêche le protagoniste d’atteindre son objectif, naît d’obstacles qui se dressent sur son chemin.
Ainsi, on peut définir une chaîne de base du drama :
personnage > ; objectif > ; obstacle(s) > ; conflit(s) > ; émotions.
Les deux derniers étant vécus par le personnage et le spectateur.
Il existe trois catégories d’obstacles :
- internes (propres à l’individu) : la jalousie, la lâcheté, l’ambition, l’orgueil, le manque de courage, l’intégrité, l’indécision, l’incompétence, la bêtise, la maladresse, etc ;
- externes (non liés à l’individu) : la lâcheté des autres, une maladie, une entreprise, la lune, la nature, etc ;
- externes d’origine interne : se manifestent souvent sous la forme de conséquences, indépendantes du protagoniste, mais qui découlent directement de ses actes ou de ses décisions (donc de ses obstacles internes).
Deux cas particuliers d’obstacles :
- le dilemme cornélien : il s’agit d’un choix extrêmement difficile à opérer, car les conséquences causeront immanquablement de la douleur. Le dilemme en lui-même cause déjà de la douleur au personnage.
- le co-protagoniste : des discordes peuvent exister entre les protagonistes concernant la marche à suivre pour atteindre leur objectif commun.
Les obstacles les plus intéressants à exploiter sont les obstacles internes, car il est gratifiant pour le spectateur de s’identifier à des personnages qui possèdent des défauts, mais qui en font finalement quelque chose.
Dans tous les cas, les obstacles doivent être justifiés, mais pas forcément complètement. Par exemple, un MacGuffin (appellation d’Hitchcock) est un secret qui motive les méchants, mais pas forcément le protagoniste, et qui intéresse si peu le spectateur qu’il peut juste être mentionné, sans détails, même s’il est à l’origine d’un obstacle externe dressé sur la route du protagoniste.
Les obstacles doivent aussi être dosés. Si les obstacles sont un mur, celui-ci doit être suffisamment haut, mais pas infranchissable. Il doit y avoir un équilibre entre espoir et crainte pour le protagoniste. S’il y a trop peu d’obstacles ou s’ils sont faibles, le spectateur s’ennuie. Au contraire, s’il y a trop d’obstacles ou s’ils sont insurmontables, le spectateur comprend trop vite que c’est voué à l’échec et que l’auteur exagère. Pire encore, une aide miraculeuse ou une solution trop facile comme le hasard se présenteront en rendront l’accomplissement de l’objectif inintéressante.
Le crescendo dramatique consiste à organiser les obstacles soit :
- du plus petit au plus grand,
- en dents de scie, comme pour franchir un sommet, auquel cas le dernier obstacle semble plus facile à franchir parce qu’il est le plus proche du sommet.
Dans ce deuxième cas, l’auteur peut faire croire au spectateur jusqu’au dernier moment que le sommet ne peut pas être atteint, ou bien il informe le spectateur qu’un danger guette le protagoniste tout en haut.
Du coup, la question dramatique, à savoir « le protagoniste va-t-il atteindre son objectif ? », reste pertinente. La réponse dramatique peut être positive (« oui ») ou négative (« non »). Cette incertitude engendre du suspense qui, couplé à une durée limitée, créé de l’urgence. La solution doit donc arriver à la dernière seconde.
Si la réponse dramatique était connue, la curiosité du spectateur ne serait maintenue par le spectaculaire, et encore, à court terme.
Le deus ex machina (aide miraculeuse) intervient quand le protagoniste cherche toujours à accomplir son objectif. Il ne faut pas le confondre avec le lâcher-prise du protagoniste ou le hasard qui interviennent après que l’abandon de l’objectif alors que ce qui a été entrepris auparavant conduit « inconsciemment » à la résolution de l’intrigue. Cela s’apparente plutôt à une réussite improbable et ressemble un peu à un gag.
Par exemple dans Tintin, Tintin et Haddock recherchent une grotte sous la neige, en vain. Haddock finit par abandonner et se laisse tomber par terre. Il tombe alors à travers l’ouverture de la grotte qui était dissimulée par la neige !
Tragédie vs mélodrame
Tragédie
La tragédie est un type d’œuvre dramatique dans laquelle le héros :
- exerce son libre-arbitre,
- possède un défaut tragique (obstacle interne),
- endure mille souffrances et périt, mais dignement, en ayant accompli son objectif et en étant « grandi » parce qu’il accepte son destin.
Mélodrame
Le mélodrame est une œuvre dramatique dans laquelle on retrouve :
- une succession d’obstacles externes,
- des victimes innocentes,
- un manque de réactivité de la part du protagoniste.
Plus les personnages souffrent sans agir, plus le mélodrame est fort.
Comédie
La comédie est un type d’œuvre à part qui ne fait pas vraiment de distinction entre les obstacles internes et externes et qui traite les sujets avec humour, moquerie ou dérision. L’humour peut y être très noir et les conflits assez dérangeants.
La comédie est souvent plus difficile à mettre en œuvre que la tragédie ou le mélodrame, car il est plus difficile de se référer à la vraie vie, qui n’est pas toujours très drôle. De fait, l’identification au protagoniste est plus difficile. En revanche, le mélange sérieux / comédie (humour) permet de rendre le sujet plus sincère et véridique, plus juste.
La structure du récit
Le récit dramaturgique se découpe en 3 actes principaux :
- acte 1, avant que l’objectif soit perçu par le spectateur. Il s’agit de la présentation,
- acte 2, pendant l’objectif. C’est l’action,
- acte 3, après l’objectif. C’est la conclusion.
Acte 1
L’acte 1 est plutôt court, il sert à capter rapidement l’attention du spectateur. Il contient tout ce qui se passe avant que l’objectif du protagoniste soit clair (consciemment ou pas) dans l’esprit du spectateur, même si le personnage le connaît déjà ou ne se l’est pas encore formulé. Cet acte présente le décor, les personnages et les événements qui amènent à l’objectif.
Un événement en particulier amène le protagoniste à se définir un objectif, il s’agit de l’incident déclencheur qui se situe juste avant la fin de l’acte 1. Il s’agit souvent d’une rencontre, d’une mort ou d’un accident. Cet événement peut répondre à un besoin dramatique du protagoniste (un manque, un défaut) qui aura été révélé dans sa présentation.
Acte 2
L’acte 2 est plutôt long, car il dépeint toutes les actions entreprises par le protagoniste pour atteindre son objectif. Il se termine quand la réponse dramatique est donnée, que l’objectif soit atteint ou abandonné.
Il y a un moment dans l’action où le spectateur se dit, peut-être inconsciemment, que, à partir de cet instant précis, la vie du protagoniste ne pourra plus jamais être comme avant. C’est le point de non-retour. Il permet de renforcer :
- la question dramatique,
- les conséquences de l’action.
Cela donne plus de justesse et de profondeur à l’histoire.
L’incident déclencheur peut parfois être confondu avec un autre nœud dramatique (l’incident déclencheur par exemple), mais jamais avec le climax final.
Le climax se situe avant la fin du deuxième acte. Il s’agit de l’événement final qui apporte la réponse définitive à la question dramatique. Il est forcément la conséquence de tout ce qui précède et il correspond à la dernière tentative du protagoniste pour atteindre son objectif. C’est un moment de choix pour le protagoniste : réussir ou abandonner. Il est souvent mis en scène lors d’événements importants qui rendent la situation encore plus conflictuelle et intense (événements publics ou en famille).
Acte 3
L’acte 3 n’est pas trop long. Il conclut l’histoire, il n’y a plus de suspense. Il décrit les conséquences de l’action, les traces qu’elle a occasionnées. Il s’agit d’un moment de décontraction entre la fin – intense émotionnellement – du deuxième acte et la lumière du jour.
Parfois, la réponse dramatique apportée à la fin du deuxième acte entraîne de nouvelles questions. Si un nouvel objectif découle logiquement du premier atteint (comme s’en sortir après un braquage, par exemple), l’acte 3 peut ainsi, dans une structure enrichie, apporter une nouvelle réponse dramatique à la fin.
Un coup de théâtre peut relancer l’action après le climax et la réponse dramatique du deuxième acte qui est conclu clairement, sans ambiguïté, quand le protagoniste reconnait ne plus avoir d’objectif. Ce coup de théâtre finit par apporter, après un deuxième climax, une deuxième réponse à la même question dramatique, souvent opposée à la première. Si l’objectif a été atteint à la fin de l’acte 2, le coup de théâtre entraîne des actions qui annulent cette réussite. Si au contraire l’objectif n’a pas pu être atteint à la fin de l’acte 2, le coup de théâtre donne une nouvelle chance de réussir.
À la place d’un coup de théâtre, un nouvel incident déclencheur au début du troisième acte peut amener une nouvelle question dramatique et entraîner les actions et le climax correspondants.
Un cliffhanger ou accroche peut conclure le troisième acte pour amener une suite à l’histoire.
Bien sûr, cette structure enrichie se développe rapidement et ne demande généralement pas beaucoup de temps pour être résolue. L’acte 3 n’est pas plus long que l’acte 2.
L’unité
Le récit, en plus d’être structuré en « événements », doit répondre à trois unités :
- l’unité de temps : l’action couvre le temps que le protagoniste met à atteindre son objectif. Pour ce faire, commencer le récit le plus tard possible, au plus près de l’action, en évitant les trop longues présentations ou les histoires annexes liées à l’objectif qui doivent s’être déroulées avant le début du récit lui-même.
- l’unité d’action : un moment de la vie renvoie à une action spécifique liée à un objectif. Toutes les scènes montrées sont consacrées à l’objectif.
- l’unité de lieu : elle est moins importante que les deux autres, mais donne plus d’efficacité à l’œuvre.
Préparer les informations
On l’a vu, les deux ex machina sont à éviter. Pour autant, si on compte en utiliser, il faut les préparer :
- en les annonçant pour anticiper la perspective de conflit, et en les exploitant derrière sous peine de décevoir le spectateur. Par exemple quand les villageois disent aux co-protagonistes « Ne marchez pas dans la lande », dans Le loup-garou de Londres. Résultat, ils marchent dans la lande et prennent cher ;
- en les préparant, c’est-à-dire en les faisant intervenir tôt dans l’œuvre sans qu’ils aient l’air importants ;
- en évitant de les rendre évidents. Pour ce faire il vaut mieux les insérer comme des obstacles (en l’annonçant) que comme de l’aide (en la téléphonant).
- en les faisant intervenir en conséquence des actions du protagoniste, et pas par hasard.
Transmettre une information narrative, c’est :
- la livrer clairement au spectateur en l’annonçant, ou pas,
- la cacher au spectateur pour en faire une surprise au bon moment,
- l’annoncer lourdement (trop la préparer),
- la « téléphoner » (on devine que ce sera une aide),
- en faire un mystère.
Les deux premières façons sont les plus efficaces.
En fait, bien préparer une œuvre c’est n’annoncer que ce qui servira et exploiter au maximum tout ce qui a été annoncé. La préparation sert à répondre à la question : « quelles pourraient être toutes les conséquences de telle ou telle prémisse ? ».
L’ironie dramatique
L’ironie dramatique se caractérise par du conflit, étalé sur plusieurs scènes, généré par le fait que le personnage ne dispose pas d’une information que connaît le spectateur. L’ironie dramatique est donc perçue par le spectateur.
Par exemple, un enfant se balade à un défilé avec un colis à livrer. Il est content et s’amuse. Il ne sait pas qu’il y a une bombe dans le paquet. Le spectateur le sait. Il est donc anxieux et craint de voir le paquet exploser en plein milieu de la foule.
Elle s’installe en trois phases :
- l’installation : c’est le moment où le spectateur est mis au courant,
- l’exploitation : c’est la mise en scène des conséquences de l’ironie,
- la résolution : c’est le moment où le personnage « victime » de l’ironie comprend. Cette scène est obligatoire, elle est attendue par le spectateur qui veut découvrir la réaction de la victime et ce qui en découle.
Show don’t tell
Tout doit être structuré et montré pour faire avancer l’action. Si on ne peut pas faire autrement, on peut utiliser le dialogue pour :
- caractériser celui qui parle (donner une info sur lui avec sa façon de parler, par exemple),
- illustrer les relations entre celui qui parle et les autres,
- donner des infos sur ce que désire, pense ou ressent celui qui parle,
- faire avancer l’action,
- rendre l’action vraisemblable (plus humaine),
- montrer les choses de telle sorte qu’on les ressente.
Le dialogue imagé est marquant, en utilisant des métaphores par exemple. Shakespeare parle de « plis du front » pour mentionner la tristesse (dans César).
Il faut par contre éviter les non-dits si le spectateur n’a pas les éléments pour les comprendre.
Conclusion
Cet article est dense et comprend beaucoup d’informations. Les éléments essentiels sont là et les titres des sections sont suffisamment clairs pour s’y retrouver.
Je rajouterai juste que Yves Lavandier a également publié deux autres manuels, Construire un récit et Évaluer un scénario, ainsi que des vidéos sur la chaîne Hats off to the screenwriters. Ces documents peuvent sans doute apporter d’autres informations utiles.
Je me remémore aussi ici un élément crucial : ces indices sont proposés pour l’écriture d’une œuvre dramatique, autrement dit un scénario de film ou de pièce de théâtre. Les idées sont intéressantes et donnent à réfléchir, mais elles ne peuvent s’appliquer de la même manière pour l’écriture d’un roman ou d’une nouvelle ; même pas tout à fait non plus pour une bande dessinée.