Akemi no sekai

Lectures · Films et séries · Mes écrits · Samare · BD · Japonais · Créations artistiques · Bric à brac · Rédaction
À propos
La dramaturgie – L’art du récit de Yves Lavandier · Drame, enquête et science-fiction

Halgato de Feri Lainšček

Publié le 03/10/2020 dans Lectures.

Lecture d’un autre genre, Halgato de Feri Lainšček.

Résumé (assez complet)

L’histoire est celle d’Halgato, un jeune Tsigane (Rom) influencé par sa communauté après la Seconde Guerre Mondiale.

Couverture du roman aux éditions PHÉBUS représentant des silhouettes colorées qui dansent et jouent de la musique.

Halgato est élevé par sa mère, il est timide et se borne à fermer les yeux, littéralement, lorsqu’il ne veut pas voir. Il est pourtant témoin du retour troublant de son père et de la déchéance progressive de sa mère lorsque ce dernier est arrêté par la police. Il se voit aussi abandonné et esseulé lorsque sa mère décide de quitter le camp. Il la voit revenir avec un nouvel époux, lui offrant ainsi deux demi-sœurs et un demi-frère.

La vie d’Halgato bascule véritablement lorsqu’il se lie à son demi-frère Pišti. Alors que son beau-père tente de travailler sans grand succès, Pišti, qui est déjà allé à l’école élémentaire, se voit offrir de poursuivre ses études en ville. Il leur faut gagner de l’argent pour payer ses études. Halgato n’a hérité de son père que deux choses, un violon maudit et le don de savoir en jouer – parce que son père l’a harcelé pour qu’il apprenne avant de disparaître. La solution pour payer les études de Pišti est toute trouvée, Halgato devra jouer dans les auberges pour gagner quelques pièces.

Halgato commence à s’habituer à sa nouvelle vie, il s’accroche à son but, même quand son beau-père est arrêté pour avoir tué l’homme qui a mis ses deux filles enceintes. Le sort des Tsiganes est préoccupant. Le malheur semble toujours courir derrière eux. Choqués par le comportement de leur père, son arrestation et les réprimandes des autres Tsiganes envers leur famille, ainsi que la nouvelle dépression de leur mère, les deux garçons prennent des décisions afin de reprendre leur destin en main. Alors que Pišti pense qu’il peut tout faire et devenir quelqu’un grâce à l’école, Halgato souhaite voir son demi-frère devenir le porte-parole des Tsiganes et montrer au monde qu’ils ne sont pas que des voleurs ou des gens douteux voués à attirer les foudres de Dieu.

Halgato travaille dur pour récolter l’argent des études de Pišti, mais il apprend que son frère a rencontré une femme blanche et que tout son village, et a fortiori sa famille, est contre cette union. Les préjugés envers les Tsiganes portent atteinte à Pišti et Halgato commence à douter de son frère. Il est furieux qu’il se soit lié à une femme sans lui en avoir parlé et il craint le pire. Ils se disputent et se séparent fâchés.

Ses craintes sont rapidement confirmées. La jeune femme revient au village avec pour seule compagnie la nouvelle que Pišti est en prison parce qu’il est responsable d’un accident de la route terrible. Il a écopé d’une peine de prison de deux ou trois ans. Se décidant à aller rencontrer cette femme qui le fascine, mais qu’il considère comme l’origine des malheurs de son frère, Halgato apprend qu’en réalité, c’était véritablement elle la responsable de l’accident. Pišti a avoué à sa place pour la protéger. Halgato exige alors de la jeune femme qu’elle aille se rendre à la police pour libérer Pišti, pour qui il craint le pire en prison à cause de ses origines Tsiganes. La jeune femme hésite, puis refuse. Dominé par sa colère et ses sentiments ambigus envers son frère et envers elle, Halgato finit par abuser sexuellement d’elle, traçant ainsi un trait sur la possibilité d’innocenter son frère. En effet, il a désormais trop honte pour aller voir Pišti et le regarder en face. La fiancée de Pišti décide de se retirer dans un couvent.

Apprenant la nouvelle, Pišti essaie de s’évader de prison et tue un gardien. Sa peine est prolongée à 20 ans. Ainsi, le destin tragique des Tsiganes l’a bel et bien rattrapé. Rongé par la culpabilité, Halgato se fustige et se mutile jusqu’à tomber malade et sombrer dans la folie. Sa mère le soigne et il décide de quitter définitivement le campement. Il s’installe plus loin dans les marais et ne vit que de solitude et de musique, ruminant son chagrin.

Plus de 20 ans plus tard, Pišti vient le trouver et l’emmène dans la maison qu’il s’est construite dans leur ancien village. Il demande à Halgato de l’aider à reconquérir sa fiancée d’autrefois, alors même qu’il sait ce que Halgato a fait à l’époque. Halgato refuse et s’enfuit. Un coup de feu est tiré.

Ce que j’en pense

Il s’agit d’une histoire totalement dépaysante, prenante et triste. Certaines situations ridicules prêtent à sourire tandis que d’autres événements sont tout simplement révoltants. La misère et la crainte de leur destin poussent les Tsiganes à commettre des actes qui ne font que confirmer leur mauvaise réputation auprès des autres peuples et accentuer les préjugés les concernant. Ils semblent en effet enfermés dans un cercle vicieux dont Dieu lui-même ne semble pas vouloir les libérer.

ATTENTION SPOILER DANS CE QUI SUIT

La fin du roman me laisse perplexe. Pišti vient retrouver Halgato après toutes ces années durant lesquelles il a purgé sa peine de prison et est parti en Amérique. On ignore tout de son parcours ou de ce qu’il a réussi à accomplir de ses rêves. Est-il devenu une figure dont les actes ont simplement occulté ses origines Tsiganes ? Halgato ne le croit pas, car même après avoir voyagé et gagné suffisamment d’argent pour bâtir une villa, il doit encore « voler » la femme qu’il aime, comme un Tsigane ! À la fin du livre, les deux frères sont toujours aussi malheureux. L’un vit toujours avec sa culpabilité et l’autre avec le regret de ne pas avoir pu accomplir son rêve à l’époque. Pišti veut reconquérir sa fiancée, qui lui a pourtant écrit qu’elle a changé et souhaite qu’il la laisse tranquille. Il est désœuvré et vient demander l’aide de son frère qui a tout sacrifié pour lui, mais qui l’a aussi trahi. Il vient demander l’aide d’un Tsigane. La boucle est bouclée. Et finalement, on ne sait pas si Pišti utilise le revolver contre lui, contre Halgato qui s’échappe ou comme ça, dans le vide, juste pour tirer, mais cela n’a peut-être pas beaucoup d’importance.

Conclusion

En tout cas, c’est un roman extraordinaire. J’ai eu du mal à me plonger dedans au départ, mais au final il m’a transportée. J’ai beaucoup apprécié le dépaysement, la plongée dans une communauté inconnue, la vie et les déboires guidées par des croyances.

J’ai moins aimé la cruauté de certains actes, la triste vérité qui s’abat sur les Tsiganes et la fin incertaine.

Le roman a été adapté au cinéma dans les années 90’. J’imagine que ce doit être un bon film, mais que ce n’est pas forcément aisé de s’immerger dans l’histoire tout de suite. Quand je pense à Halgato, je pense un peu au film Le temps des Gitans de Emir Kusturica dans lequel je n’ai pas réussi à me plonger tant le fossé entre la culture présentée et la mienne était immense. C’est sans doute une bonne chose d’avoir découvert Halgato en livre, plutôt qu’en film.