Akemi no sekai

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Mais moi je vous aimais de Gilbert Cesbron · Inktober 2020

Des friches et des chiffres de Odette Laplaze-Estorgues

Publié le 02/11/2020 dans Lectures.

Dernière lecture, un peu périlleuse : Des friches et des chiffres de Odette Laplaze-Estorgues.

Couverture du roman aux éditions L’Harmattan représentant la peinture de Pascale Bernardini La petite fille et sa mère au jardin.

J’ai trouvé ce roman, paru aux éditions L’Harmattan (que je ne connaissais pas), dans une boîte de partage de lecture. Il date de 2005 et jusqu’alors, je ne connaissais pas non plus l’auteure qui est, d’après la quatrième de couverture, originaire de Montauban, et vit près de Clermont-Ferrand depuis quelques décennies.

Je n’ai pas pour habitudes de relever ce genre d’informations. Après tout, je m’intéresse au roman pour son histoire, pas pour son auteur. Ici, pourtant, la vie de l’auteure fait échos à celle du personnage principal.

Résumé de l’histoire

Il sera très laborieux pour moi de résumer cette histoire, qui part un peu dans tous les sens.

Au départ, à travers le regard naïf et craintif d’une fillette d’une dizaine d’années, nous voyons le dur labeur d’une mère de famille dans les années 30 ou 40’, vraisemblablement, à Castelsarrasin dans le sud de la France (où a vécu l’auteure durant sa jeunesse donc).

Cette enfant raconte des anecdotes sur la pauvreté de sa famille, la naissance d’une nouvelle sœur alors qu’ils sont déjà si nombreux à la maison, que leur mère est épuisée et que leur père est parti pour ne peut-être jamais revenir. Honte, vol, faux-semblants, tout est bon pour dissimuler leur misère au quartier.

Au fil des ans, la fillette grandit et rejoint le collège public tandis que ses frères et sœurs plus âgés travaillent déjà pour subvenir aux besoins de la famille. Les anecdotes s’enchaînent, s’orientant invariablement vers l’occupation allemande et la libération de la France, durant la Seconde Guerre Mondiale. La vision de cette période par la jeune fille est assez troublante, elle prend conscience de certaines choses et se crée de nouvelles valeurs.

Ces années de jeunesse et le récit des rencontres qu’elles ont vues défiler est entrecoupé de moments d’angoisse, sombres, relatés par cette même personne, adulte. En pleine dépression duite à la mort de sa maman, cette mère de famille de presque quarante ans replonge dans l’enfance pour affronter ses démons.

Mon avis

Le roman, de par la façon dont il est tourné, est assez intrigant. Il m’a fallu un moment pour réaliser que le point de vue narratif interne de la fillette était parasité par autre chose ; un point de vue plus adulte, une vision du passé transformée parce que comprise avec du recul et parfois, basée sur de fausses impressions. Il m’a fallu lire le résumé au dos du livre pour comprendre de quoi il s’agissait. Le premier « passage au point de vue adulte » m’a déstabilisé. Il s’agissait d’un rêve énigmatique à ce stade du récit.

Bref, j’ai lu ce roman du début à la fin avec un certain malaise, une difficulté à suivre les événements. Un peu comme dans ces films où il y a sans arrêt des sauts dans le temps, sans réelles transitions pour avertir le spectateur qui se perd vite dans les limbes. Cela n’enlève rien au fait que les descriptions sont riches, les lieux semblent à la fois vivants et comme les fantômes d’eux-mêmes, et les émotions sont plutôt bien retranscrites.

Le personnage de Marthe, la fillette qui devient adulte et se voit – ou s’espère – devenir comme sa propre mère, était intéressant. Le récit dépeint la beauté et la naïveté de l’enfant qui peut réinventer le monde qui ne l’enchante pas – l’absence de son père notamment. Il n’omet pas non plus la laideur de la jalousie – Marthe est envieuse de ceux qui ont tout alors qu’elle n’a rien, si ce n’est l’amour de sa mère qu’elle passe son temps à quémander –, de la méchanceté – elle est cruelle envers des camarades pas forcément chanceux non plus – ou du contexte historique.

Au fil de la lecture, je me demandais ce qui avait bien pu l’amener, femme mariée vivant dans une autre région (l’Auvergne, comme l’auteure) à se rappeler tous ces événements et ces personnes qui avaient habité son passé – outre le fait que sa mère soit décédée bien sûr. La fin me laisse un peu perplexe, mais elle a le mérite de répondre à la question. On dirait que son complexe est transmis à son fils qui passe son temps à la guetter et à se demander si elle va bien, comme elle-même le faisait à l’âge de 9 ans.

Conclusion

Des friches et des chiffres relate une histoire prenante, mais la lecture était laborieuse et demandait trop d’efforts. Des efforts pour saisir les sauts temporels et raccorder les événements passés et futurs entre eux – bien que, au fil de la lecture, l’auteure nous éclaire relativement bien à ce sujet. Mais aussi trop d’efforts pour me rappeler que ce personnage en proie au mal était fictif et que je pouvais poursuivre l’histoire sans avoir à m’inquiéter outre mesure.

Le titre en tout cas ne laissait rien deviner de la teneur de l’histoire, même si je m’attendais à une certaine mélasse avec la notion de friches. Les chiffres m’évoquaient plus les mathématiques, peut-être font-ils référence aux années qui passent, tout simplement.

Après cette lecture, je suis convaincue que je préfère les histoires plutôt fantastiques, merveilleuses ou de fantasy, qui nous permettent de voyager sans angoisse et avec douceur, même avec des histoires de monstres à la Lovecraft ! « Les histoires d’une vie », comme celle de Marthe dans ce roman, sont trop emplies de nostalgie et trop « brouillonnes » pour apaiser le lecteur qui cherche à quitter sa propre vie le temps de sa lecture. Ce qui, je crois, est tout l’intérêt de la lecture d’œuvres fictives.

Lire ce roman m’a rappelé ma lecture de Je vais mieux de David Fœnkinos et m’a donné cette même impression de m’immiscer dans la vie intime de quelqu’un. Je n’apprécie pas forcément ce genre d’histoire, même si le principe même d’un roman est de suivre l’histoire de son personnage principal. Tout cela semble trop « ancré dans la vie réelle ». Des friches et des chiffres est sans aucun doute un bon roman, mais il est probable que si j’avais lu son résumé quand je l’ai trouvé dans la boîte, il y serait resté. Simple question de goût.