Akemi no sekai

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Armée ou défense civile non-violente

Publié le 07/11/2020 dans Lectures.

On m’a proposé de lire Armée ou défense civile non-violente ? dans le cadre de l’écriture de mon roman Samare où se pose la question de la défense de la cité.

Cette étude, publiée en 1975 et coécrite par un collectif de personnalités de l’époque dont Gérard Millischer et Olivier Maurel, vise à comprendre pourquoi la confiance du peuple français dans son système de défense faiblit et comment la défense nationale pourrait être renouvelée pour plus d’efficacité à « assurer la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population », objectif défini par l’ordonnance du 7 janvier 1959.

L’étude

La remise en question de la défense nationale

Les auteurs de cette étude posent d’abord le contexte concernant la remise en question de la défense nationale en France. Compte tenu des contestations de l’opinion publique, quatre aspects sont relevés :

L’efficacité de la défense nationale

Après avoir relevé ces diverses contestations, ils se posent la question de l’efficacité de la défense armée. S’appuyant sur les conflits passés qu’a connu la France, ils constatent que la défense armée a (presque) toujours essuyé des échecs. Seule la Première Guerre Mondiale peut prétendre avoir vu son armée victorieuse, mais au prix de tellement de vie et de destruction du pays que la réussite en terme « d’assurance de la sécurité et de l’intégrité du territoire, ainsi que de la vie de la population » est discutable.

Les exemples de réussite de défense armée de part le monde sont mineurs et presque tout le temps dépendant d’une offensive d’un allié. Autrement dit, seule, une armée défensive ne peut pas être victorieuse.

En effet :

La défense nucléaire

Ce constat amène les auteurs à s’interroger sur la défense nucléaire qui mise tout sur la dissuasion par la peur. Le risque encouru à attaquer un pays disposant d’une telle arme de destruction est trop grand. Oui, mais nous ne disposons d’aucune garantie. Un dirigeant peut décider de prendre ce risque, d’autant plus si lui aussi dispose de cette arme.

Dans ces conditions, l’objectif et le devoir de l’armée de protéger le territoire et la vie du peuple ne peut être tenu. Il est même complètement bafoué puisque prendre ce pari de dissuader l’adversaire revient à accepter de sacrifier la totalité de son pays et de son peuple si l’on s’est trompé.

De plus, outres les problèmes écologiques et de santé publique démesurés qu’elle engendre, l’arme nucléaire accroit le risque de conflits selon les contextes géopolitiques et annonce forcément des conflits plus meurtriers que ceux du passé.

La défense populaire armée

Dans ces conditions, d’autres formes de défenses sont étudiées sur les cas d’autres pays. Ainsi la défense populaire armée qui viserait à armer la population et à créer des milices populaires pour défendre le pays (guérilla).

Cette solution aurait au moins le mérite de séparer l’armée du pouvoir. Les collectivités seraient chargées des différentes milices et la production et l’exploitation des armes pourraient être en partie décentralisées pour éviter qu’elles ne tombent entre les mains de l’adversaire. Malheureusement, cela semble peu réalisable pour les usines d’armements lourds, surtout pour de petits pays. Si un tel armement tombait aux mains de l’ennemi, la défense populaire serait clouée au sol avec des armes légères face à des blindés ou des bombardiers. Elle n’aurait aucune chance.

Les auteurs relèvent également que les exemples de guérillas victorieuses présentaient les mêmes conditions majeures :

Le mode de vie urbain et le confort qui y est associé a rendu la population dépendante et peu encline au sacrifice. Être privée de son confort électrique, en eau potable, etc, pourrait inciter la population à se rendre et à collaborer.

De plus la technique militaire de commandement, de transmissions d’informations, d’organisation, d’armes lourdes, le contrôle des voies de communication, etc, rend l’armée de l’envahisseur plus forte et mieux équipée que la défense populaire au sol, même sur son propre territoire, surtout si celui-ci est occupé par l’ennemi qui a la main mise sur toutes les infrastructures.

La défense civile non-violente

Nous en arrivons donc à la proposition d’une défense civile non-violente.

Non-violente ne signifie pas passive ou prête à collaborer, mais, pour simplifier, n’usant pas d’armes et n’attaquant pas l’ennemi de front.

Les auteurs citent de nombreux exemples de conflits résolus ou, tout du moins, minimisés, grâce aux actions non-violentes de la population (lutte contre la colonisation en Inde, résistance de certains pays face aux Nazis, lutte pour les droits civiques de Noirs aux États-Unis, etc).


Dans la partie suivante, je vais noter les informations importantes sur la défense non-violente, notamment celles qui peuvent être appliquées dans une cité idéale, comme pourrait l’être Samare dans mon roman.

La défense civile non-violente

Système politique

Un système politique impliqué dans un conflit (notamment qui envahit un territoire) ne se résume pas à un bloc homogène soudé.

En utilisant la force armée pour se défendre, on justifie en quelque sorte ce qui a été divulgué par la propagande et le besoin d’intervention de l’armée. On cimente la cohésion du système politique envahisseur qui devient alors plus fort.

L’absence de violence contre les personnes, liée à des actions attaquant directement l’injustice, sème le trouble dans les forces armées envahissantes. Un dialogue avec l’envahisseur rend la répression difficilement applicable (moralement, car ceux qui se trouvent face à l’armée ne sont ni hostiles ni violents envers les personnes qui composent l’armée) et la propagande moins fiable.

De plus, face à une armée d’envahisseurs séparés de leurs familles, un peuple comprenant femmes, enfants, vieillards et hommes constitue une masse d’effectifs militants plus importante et à l’apparence plus soudée.

Les actions non-violentes

Concrètement, en cas d’invasion

Pendant l’invasion

Jusqu’à preuve du contraire, la défense non-violente ne peut intervenir qu’une fois que l’envahisseur est sur le territoire. Il semble inconcevable de défendre des frontières entières avec des sit-in, face aux chars d’assauts.

3 avantages par rapport à une résistance armée :

Il y a donc des prérequis indispensables :

Pendant l’occupation militaire

La population préparée à se défendre de cette façon sait précisément ce qu’elle défend : des frontières morales et politiques, la vie de la population, ses droits fondamentaux (droit de parole, de réunion, à l’information, etc).

La phase de résistance défensive interdit à l’envahisseur toute atteinte aux droits de l’homme et priorise la défense des libertés publiques par les manifestations ou les grèves et par des réactions d’envergure immédiates face à chaque comportement portant atteinte à des libertés (grâce à un système de liaison décentralisé préalablement mis en place).

La phase de résistance offensive vise à affaiblir la liaison entre l’État agresseur et son armée sur place. Il faut faire comprendre aux soldats qu’ils ne risquent rien en tant que personne, mais qu’on leur opposera fermement le refus à l’obéissance lorsqu’ils agiront en tant que représentant de leur État oppresseur. Plus les soldats restent sur place, il y a de risques qu’ils comprennent le message de la population et qu’ils nourrissent des griefs contre leur gouvernement. Ils peuvent aller jusqu’à « fraterniser » avec la population qu’ils sont censés soumettre et saboter volontairement les actions de leur propre État.

Le but général de l’action non-violente est de pousser l’adversaire à faire un choix entre réprimer ou laisser faire. S’il laisse faire, il se ridiculise. S’il réprime, il se heurte à une population déterminée à ne pas obéir et devra recourir à une grosse armée difficilement contrôlable, car en contact permanent avec cette population non-violente, amicale et ouverte au dialogue. La population doit pousser l’adversaire à employer la menace tout en le rendant incapable de la mettre en pratique.

Il existe un risque non négligeable : si l’envahisseur ne peut ni laisser faire, ni réprimer, il peut chercher à provoquer la population (par des attentats contre la population elle-même ou contre les troupes d’invasion en faisant croire qu’il s’agit d’un acte de la population) afin de mener à une révolte violente qu’il pourra enfin réprimer par la violence. La population éduquée et entraînée à une défense civile non-violente est préparée à cette éventualité. Elle a conscience que même ce type de résistance peut entraîner des morts. Elle n’emploie pas la violence et voit l’attentat contre les troupes adverses comme un acte de trahison. Elle partage le deuil de son adversaire ce qui les rend d’autant plus similaires aux soldats et leur confirme que la population ne leur veut aucun mal en tant que personne. De même, toute violence à l’encontre de la population serait suivie de manifestations massives toujours non-violentes, pour culpabiliser l’adversaire.

Après l’occupation

Face à cette résistance collective non-violente et donc, non répressible, abaissant le moral des troupes invasives et forçant la lutte sur le plan politique et moral, l’État envahisseur pourrait mettre en place un gouvernement de collaboration pour maintenir l’ordre. La résistance deviendrait alors une lutte politique intérieure. La mise en place d’un gouvernement parallèle, un « contre-gouvernement », avec organisations parallèles décentralisées pour répondre aux besoins de la population tout en sapant le régime en place.

Mettre en place une défense civile non-violente

Conclusion

L’idée générale est donc de ne pas utiliser les armes pour, d’emblée, donner du scrupule aux ennemis à user des leurs. Ensuite, dialoguer avec eux et leur démontrer les injustices permet de réduire l’influence de leur système, de modifier l’opinion publique, et d’accélérer la fin du conflit. Convaincre son adversaire par le biais des personnes envoyées sur place permet aussi d’éviter de futurs conflits, de représailles notamment.

Près de 50 ans après la publication de cette étude, la France dispose toujours d’une défense nationale armée et d’une force de dissuasion nucléaire. Elle participe même encore à certains conflits extérieurs ! La seule chose qui semble avoir changé, c’est que la population ne paraît plus trop s’en inquiéter.

En revanche, les méthodes de contestations non-violentes sont de plus en plus utilisées, notamment via internet avec des pétitions (contre la chasse, les pesticides, etc), des boycotts de produits (qui utilisent encore de l’huile de palme, etc), des sit-in (Nuit debout), des manifestations (Gilets jaunes), des partages de témoignages avec hashtags (#MeToo), etc. Les combats sont divers et relèvent tous d’une politique interne. Un certain chemin a été parcouru.


Concernant Samare, il est possible, et même évident, que la population ait pu suivre la préparation à une défense non-violente, sachant que le Gouveneur de la Capitale avait posé un sursis aux fondateurs de la cité. Cette éducation civile (formation à la défense, cohésion de groupe, volonté de défendre et protéger des valeurs) et civique (apprentissage du contexte de création de la cité, relations politiques extérieures, etc) permettra donc aux samarins de limiter les dégâts lorsque les soldats capitains entreront, tant bien que mal (à cause des marais, montagnes et forêts sauvages), dans la cité. Une prise de conscience et un changement de comportement des envahisseurs est tout à fait envisageable.