Akemi no sekai

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Inktober, première partie · Métaphysique psychotique et drame

L’Ickabog de J.K. Rowling

Publié le 09/10/2021 dans Lectures.

J’ai dit que je me remettrai un peu à la lecture, alors je m’y suis remise – comme si je faisais toujours ce que je me dis ^^. Bref… Voici donc mon retour sur L’Ickabog écrit par J.K. Rowling et publié aux éditions Gallimard Jeunesse fin 2020.

Résumé

Couverture du roman aux éditions Gallimard Jeunesse représentant des motifs sur fond bleu.

L’histoire commence par la présentation du royaume de la Cornucopia et de son roi, Fred Sans Effroi. Le royaume se porte plutôt bien, le peuple adore son monarque et la vie est paisible dans les différentes cités, spécialisées dans les pâtisseries, le fromage, la charcuterie ou encore le vin.

Le roi, qui n’est pas tellement sans effroi en fin de compte, est soutenu et conseillé par deux amis, Lord Crachinay et Lord Flapoon. Ces deux-là profitent allègrement de leur place.

Alors que le roi a l’habitude que tout le monde se plie en quatre pour accomplir ses moindres volontés, il demande à sa couturière de lui concevoir un nouveau costume. Celle-ci ayant la santé fragile à ce moment, elle meurt de surmenage. Le roi est ébranlé et ses amis conseillers le rassurent en lui disant qu’il n’y est pour rien, la couturière n’avait qu’à le prévenir qu’elle était malade. Personne ne peut rien lui reprocher. Sauf que le mari et la fille de la défunte ne pensent pas la même chose. Leur amertume envers le roi s’aggrave alors que celui-ci les fait changer de maison parce qu’il ne supporte pas de voir, si près du palais, une maison en deuil qui n’arbore par les drapeaux du royaume et les portraits de son souverain.

Un jour, le roi apprend que la fille de la couturière l’a insulté d’égoïste et de tout ce qui va avec. Il est vexé et veut prouver qu’elle se trompe. Il aimerait bien faire quelque chose qui empêcherait quiconque de remettre en cause sa valeur. Une occasion se présente quand un paysan pauvre du Marécage, la seule région du royaume qui ne profite pas de ses richesses, vient apprendre au roi qu’un monstre sévit dans les marais. Ce monstre légendaire, dont personne ne croyait qu’il existait vraiment, est l’Ickabog.

Le roi décide de partir à la chasse à l’Ickabog pour redorer son image. Une fois sur place, alors qu’il ne semble exister aucun monstre, un accident malheureux survient dans le brouillard. Le chef de la garde royale est abattu par Lord Flapoon. Le roi n’ayant pas assisté à la scène, et étant persuadé qu’il a vu l’Ickabog à travers la brume, Lord Crachinay et Lord Flapoon décident de faire croire que le garde a été déchiqueté par le monstre. S’ensuit une terrible manipulation de la part des lords à l’encontre du roi et du peuple.

Impôt pour la sécurité, nouvelle brigade spéciale, attaques d’Ickabog… Le royaume dépérit dans la peur, la misère et la dictature. Le roi, effrayé et maintenu dans l’ignorance, laisse agir ses soi-disant amis sans se rendre compte qu’ils volent l’or du royaume et opprime la population, allant même jusqu’à faire fabriquer une patte d’Ickabog en bois pour laisser des empreintes du monstre sur les lieux des crimes qu’ils comettent eux-mêmes pour dérober toujours plus.

Les années passent, la tristesse, la peur et la faim tenaillent les cornucopiens. Les gens qui ont des soupçons disparaissent, ceux qui ont peur se taisent. Lord Crachinay a pris le pouvoir. Quatre jeunes gens, séparés puis réunis par des tragédies, décident de se rendre au Marécage pour essayer de rallier à leur cause les soldats envoyés là-bas pour jouer la comédie de la chasse à l’Ickabog. Lorsqu’ils arrivent sur place, en plein hiver, ils réalisent que l’armée est partie. Ils sont seuls, affamés, et ils ont froids. Ils sentent la fin arriver. C’est alors qu’ils sont ramassés par nul autre que l’Ickabog !

Le monstre existe, mais il est bien différent du portrait que Lord Crachinay lui a dressé. Il s’agit d’une créature attentionnée et craintive qui aime les champignons. Elle n’a même jamais mangé d’humains. Malheureusement, elle en a bien l’intention, car les humains ont détruit son peuple, son habitat et elle ne veut pas que ses petits naissent désespérés et faibles devant ces monstres.

Les quatre adolescents apprennent à connaitre l’Ickabog et ils décident tous ensemble de montrer au peuple de Cornucopia ce qu’est l’Ickabog et comment le gouvernement leur a menti et les a dépouillés. L’affrontement avec Crachinay approche. Un règlement de compte s’impose. Et finalement, après bien des souffrances, les deux peuples apprennent à vivre en harmonie et à cultiver les champignons.

Dessin de l'Ickabog triste dans le marécage, avec les jeunes gens qui cueillent des champignons. Dessin d'une enfant russe de 12 ans.
Illustration de l'Ickabog, réalisée par Alina Zakharova (12 ans)

Ce que j’en pense

L’histoire

L’histoire est plutôt banale, mais assez agréable. Il est dommage qu’il n’y ait aucune surprise, aucun rebondissement. On se doute assez vite que les lords sont vilains, que le roi est benêt, que l’Ickabog existe réellement et que les malversations de Crachinay vont finir par lui exploser à la figure.

Les personnages sont nombreux, peut-être un peu trop. Ils sont plutôt bien décrits, mais pas assez attachants. Ou plutôt, la façon dont l’histoire est amenée ne nous aide pas à nous y attacher.

Les différents détours et les péripéties des personnages ne sont pas inintéressants pour autant. Au final, je pense que l’histoire se veut simple pour que le message qui est derrière soit limpide.

Le message

En effet, la prise de pouvoir de Crachinay, la manipulation, l’autoritarisme progressivement mis en place pour le profit de quelques riches qui veulent s’enrichir davantage, la misère du peuple, l’indifférence de ses dirigeants, etc, tout cela dépeint assez bien le fonctionnement de nos sociétés actuelles. Le contexte historique du conte nous évoque même qu’il en a toujours été ainsi et, malgré la fin heureuse, peut amener à faire penser que cela ne changera jamais.

Pourtant, dans l’histoire, une partie du peuple résiste, la jeunesse se bat, l’avenir est assuré. Il y a une lueur d’espoir, un appel à ne pas baisser les bras. Malheureusement, dans la vraie vie il n’y a pas de créature magique bienveillante pour réconcilier les peuples.

Le style

L’histoire est abordée comme un conte. Le ton est léger, le vocabulaire simple. Le narrateur omniscient s’adresse au lecteur, ce que je n’aime pas du tout. Autant dans un livre comme Le Seigneur des Anneaux, l’adresse du narrateur au lecteur, notamment dans la présentation des Hobbits, passe toute seule ; autant dans ce conte, il parait surfait, voire moqueur. Le narrateur de L’Ickabog sait absolument tout ce qui va arriver, mais il raconte l’histoire comme elle vient. Très bien. Sauf, que par moments il laisse échapper des bribes d’informations ou en dissimule volontairement d’autres. Et parfois, il va nous dire quelque chose comme : « Vous vous demandez sans doute pourquoi… », ou encore « J’espère que vous ne m’en voudrez pas de ne pas vous avoir dit plus tôt que… ». Je déteste cette façon de faire. Du coup, ce narrateur parait se moquer du lecteur, ou pire, des cornucopiens.

Ce que je reproche aussi au style, et c’est sans doute encore plus dommageable, c’est l’absence de description. Pas au sens où on ne voit pas assez les lieux ou l’organisation du pouvoir, mais plutôt dans les actions et les émotions. Il ne nous est pas dit qu’ils tremblent ou frissonnent, il est dit qu’il fait froid. Il n’est pas dit qu’ils se cachent, qu’ils cherchent à saisir le moindre son ou qu’ils retiennent leur souffle, il est dit qu’ils ont peur. Cet aspect rend l’approche des personnages et de leurs réactions assez froide. La fameuse règle du « Show, don’t tell » n’a pas été suivie par l’auteure.

Ce style ne permet pas une bonne immersion, ni de s’attacher aux personnages et de vouloir les suivre.

Conclusion

L’Ickabog relate une histoire trop prévisible et trop longue pour ce qu’elle raconte. J’ai eu du mal à me plonger dedans, et encore plus à ne pas en sortir. Je suis allée jusqu’au bout parce que j’étais curieuse de voir si ça finissait comme je l’imaginais. Et, à peu de choses près, c’était le cas.

Je me suis beaucoup fait la remarque que tout était trop manichéen, et que même pour s’adresser à un jeune public, il convient d’aller au-delà de ce cliché qui ne représente pas le monde. Pourtant, au fur et à mesure des nouvelles inventions machiavélique de Crachinay, je réalisais qu’il existe bel et bien des personnes comme lui dans la vraie vie, des personnes dont le seul but est de s’enrichir, au détriment même des autres. Il en existe d’ailleurs beaucoup trop. C’est à déprimer.

Ce qui l’est presque tout autant, c’est de voir la joie qu’éprouvent les personnages à la fin, quand il leur est enfin permis de punir les méchants. Quelle vision du monde… Quelle vision réaliste du monde. C’est affligeant.

Je me suis malgré tout sentie soulagée que le roi Fred, d’abord jeté en toute impunité en prison, ait finalement pu purger sa peine de manière digne, en s’élevant. Après tout, le roi, bien que fier, égocentrique et un peu trop susceptible et narcissique, a été lui aussi berné et manipulé par ceux qu’ils prenaient pour des amis. Cet homme a perdu, en plus de son royaume et de tous ses costumes qu’il affectionnait tant, ses illusions sur le monde, l’amitié et le prestige. Il a eu besoin de se refaire, de soigner son âme et d’apprendre à trouver un nouveau but à sa vie. Heureusement, cette chance lui a été donnée à la fin de l’histoire où l’on comprend qu’il y avait bien une part de bonté en lui. Belle note positive.


Après la lecture d’une si froide copie de notre triste société, j’ai besoin de lire quelque chose qui donne de l’espoir, quelque chose qui travaille la nuance et la romance, qui montre les âmes non noircies des humains. Est-ce que cela existe ?