Akemi no sekai

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Le narrateur

Publié le 30/12/2014 dans Rédaction.

Qu’est-ce que le narrateur et comment différencier les différentes narrations qui existent ?

Il convient d’abord de faire la distinction entre le narrateur et l’auteur du récit.

L’auteur est celui qui trouve l’idée, rédige le récit et finit par le publier (via une maison d’édition ou par ses propres moyens). Il donne vie au narrateur.

Le narrateur est la « personne » qui raconte le récit. Il se situe à l’intérieur même de l’histoire et la relate au lecteur ou aux personnages fictifs du récit, en parlant de ses propres aventures ou de celles qu’il connait et auxquelles il assiste ou a assisté.

Pour résumer les choses le plus simplement possible, le narrateur d’une histoire peut adopter trois points de vue narratifs différents.

Les points de vue narratifs

Le point de vue externe

Photo en noir et blanc d’un réalisateur de film tenant une caméra

Le narrateur externe ne connait ni les pensées, ni les sentiments des personnages. Il ne sait pas comment va se dérouler l’intrigue et il se contente de la décrire telle qu’elle avance, de manière objective.

Le récit est écrit à la troisième personne et le narrateur s’adresse rarement directement au lecteur. Il ne s’implique pas dans le récit et prend de la distance avec l’histoire, bien que parfois il puisse la commenter personnellement (il est alors possible qu’il emploie la première personne, exceptionnellement).

Ce type de point de vue est parfois utilisé en début de roman afin de poser l’intrigue et de présenter les personnages (Cf. la situation initiale du schéma narratif). Cela permet de susciter l’intérêt du lecteur qui se pose des questions d’emblée sur la personnalité du héros et sur ce qui l’attend. C’est un bon moyen de le pousser à la lecture du reste de l’œuvre. En effet, le type de narration externe se rencontre assez rarement, peut-être parce que la distance prise avec le lecteur peut rendre le texte plus froid et moins profond. C’est en tout cas mon avis.

Les Fables de Jean de La Fontaine sont un bon exemple de narration externe. Dans Le corbeau et le renard, il est évident que la narrateur ne fait que relater la mésaventure du corbeau sans s’investir particulièrement dans son récit.

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
- Extrait Le corbeau et le renard

Le point de vue interne

Dessin d’un chat qui se regarde dans un miroir.

La première personne (je) est employée, car c’est un des personnages, le plus souvent le personnage principal, qui raconte l’histoire au lecteur.

Ce type de narration permet de suivre l’intrigue en même temps que les personnages. Le lecteur connait ainsi les pensées et les sentiments du personnage-narrateur et il peut s’identifier à lui plus facilement.

Lorsque le récit est rédigé au passé (pour plus de précisions sur les temps du récit, Cf. cet article), la narration à la première personne peut causer des problèmes de dévoilement de l’intrigue avant la fin. En effet, si le personnage raconte ce qui lui est arrivé, le lecteur peut aisément en conclure qu’il s’en est sorti convenablement, sinon, il ne serait plus là pour faire le récit de ses aventures. Il se peut aussi que ce ne soit pas le cas et que le lecteur ait une bonne surprise, notamment si le roman se situe dans un registre fantastique ou de science-fiction et que le personnage-narrateur peut nous raconter ce qui lui est arrivé depuis l’au-delà par exemple !

Il peut néanmoins être intéressant, pour ce type de narration, d’utiliser le présent de l’indicatif, qui plongerait le lecteur au cœur même de l’intrigue, coude à coude avec le personnage-narrateur. Encore une fois, tout dépend de ce que vous voulez écrire. Mais pour ce cas-ci, il faudra être vigilent sur les conjugaisons !

En effet, lorsque vous écrivez du dialogue dans un texte, il se peut que vous ayez besoin d’inverser le verbe et le sujet (dans les incises = proposition indépendante insérée dans le discours pour préciser qui est le locuteur et dans quelles circonstances ou de quelle manière il prononce ses paroles). Seulement, avec la première personne et le présent de l’indicatif, vous allez rencontrer de drôles de tournures et il existe quelques spécificités d’écriture pour faciliter la lecture.

Exemples :

— As-tu fini tes bêtises ? lui demandé-je sur un ton volontairement exaspéré.
— Je sais bien que tout est fini, lui réponds-je maussadement.

Dans le premier exemple, nous avons affaire à un verbe du premier groupe (en -er). La terminaison de la première personne du singulier est “e”, mais dans ce cas d’inversion du verbe et du sujet, il serait impossible de prononcer correctement l’incise si nous conservions cette terminaison. Il est donc d’usage de la transformer en é, bien qu’après 1990, une nouvelle règle d’orthographe ait proposé de changer ce é en è pour raison phonétique. Les deux usages sont corrects et l’on rencontre plus souvent l’accent aigu (é).

Dans le second exemple proposé au-dessus, nous utilisons le verbe “répondre”, qui est un verbe du troisième groupe. Dans ce cas, sa terminaison à la première personne du singulier ne pose aucun problème de prononciation et peut donc être conservée en cas d’inversion du verbe et du sujet. Pour illustrer cette partie sur le point de vue narratif interne, voici un exemple de récit rédigé au passé avec un narrateur interne.

« Elle aussi tombait. Je tendais le bras pour essayer de la retenir, mais je ne saisissais que du vide. Il n’y avait pas de terre ferme sous mes pieds, je me débattais dans la boue. Nos doigts s’effleuraient, je distinguais des éclats de lumière verte dans l’obscurité. Puis elle m’échappait, et je n’éprouvais plus qu’un intolérable sentiment de perte. »
- Extrait de 16 Lunes de Kami Garcia et Margaret Stohl

Le point de vue omniscient (ou zéro)

Peinture représentant Dieu dans les nuages, qui regarde sous lui pour voir le monde.

« Omniscient » signifie en latin : « Qui sait tout ou parait tout savoir ». Le narrateur du récit connait les personnages, leurs émotions, leurs pensées, les lieux et les personnes qu’ils côtoient, le cœur de l’intrigue, son dénouement, etc…

Ce narrateur omniscient relate les faits et les décrit tels qu’il sait qu’ils vont se produire, dans plusieurs endroits à la fois si nécessaire. Il révèle même parfois, si l’auteur veut s’amuser un peu, des bribes d’informations sur des évènements qui ne se sont pas encore produits.

Le récit d’un narrateur omniscient est écrit à la troisième personne, puisque le récit n’est pas vu par un personnage qui appartient à l’histoire même. En fait, le narrateur omniscient est à la fois interne et externe. Il est interne parce qu’il connait les pensées intimes et les émotions de tous les personnages, ainsi que tout ce qu’ils ont vécu, etc… Et il est externe parce qu’il relate tout ce qu’il voit à la troisième personne, sans interagir directement avec les personnages (dans la plupart des cas).

Le Seigneur des Anneaux de J.R.R Tolkien est un exemple de texte rédigé avec un point de vue omniscient.

« Ce livre traite dans une large mesure des Hobbits, et le lecteur découvrira dans ses pages une bonne part de leur caractère et un peu de leur histoire. On pourra trouver d’autres renseignements dans les extraits du Livre Rouge de la Marche de l’Ouest déjà publiés sous le titre: Le Hobbit. La présente histoire a pour origine les premiers chapitres du Livre Rouge composé par Bilbo lui-même, premier Hobbit à devenir fameux dans le monde entier, il leur donna pour titre: Histoire d’un aller et retour, puisqu’ils traitaient de son voyage dans l’Est et de son retour, Aventure qui devait engager tous les Hobbits dans les importants évènements de cet Âge, ici rapportés. »
- Extrait de La Communauté de l’Anneau

Le narrateur en sait long sur ce qu’il raconte !

Il existe également des points de vue omniscients où le narrateur sait tout ce qu’il se passe, mais reste « collé » en quelque sorte à un personnage en particulier qu’il suit tout au long de l’histoire pour la raconter, de manière détournée, par son point de vue.

C’est le cas par exemple dans Harry Potter de J.K. Rowling où, dans la plupart des chapitres, le narrateur se positionne à côté de Harry et exprime principalement ses appréhensions et ses sentiments.

« Harry se réveilla en sursaut. Sa tante tambourina à la porte.
— Vite, debout ! hurla-t-elle de sa voix suraigüe.
Harry l’entendit s’éloigner vers la cuisine et poser une poêle sur la cuisinière. Il se tourna sur le dos et essaya de se rappeler le rêve qu’il était en train de faire. C’était un beau rêve, avec une moto qui volait, et il eut l’étrange impression d’avoir déjà fait le même rêve auparavant. »
- Extrait de Harry Potter à l’école des sorciers

Dans cet extrait, le narrateur connait les pensées de Harry ce à quoi il rêvait, ce qu’il perçoit, etc…, mais il ne nous apprend rien sur ce que pense la tante Pétunia par exemple. En revanche, à d’autres moments de l’histoire, ce même narrateur nous raconte ce qui arrive dans le monde sans prendre en considération les connaissances de Harry à ce sujet. C’est le cas dans le premier chapitre du premier tome de la saga où il suit davantage l’oncle Vernon et finit par le laisser dormir dans sa maison du 4, Privet Drive pour s’intéresser à la visite de Dumbledore, McGonagall et Hagrid qui viennent déposer le bébé Harry devant la porte de sa famille moldue.

« Dumbledore fit volte-face et s’éloigna le long de la rue. Il s’arrêta au coin et reprit dans sa poche l’Éteignoir d’argent. Il l’actionna une seule fois et une douzaine de boules lumineuses regagnèrent aussitôt les réverbères. Privet Drive fut soudain baigné d’une lumière orangée et Dumbledore distingua la silhouette d’un chat tigré qui tournait l’angle de la rue. Il aperçut également le tas de couvertures devant la porte du numéro 4.
— Bonne chance, Harry, murmura-t-il. »
- Extrait de Harry Potter à l’école des sorciers

Deux « types » de narrateurs

Le narrateur véridique

On peut aussi parler de narrateur fiable. Il s’agit d’un narrateur en qui le lecteur a une entière confiance. Il sait qu’il peut lire son récit sans le remettre en doute et qu’il apprend toutes les informations nécessaires à l’avancée vers le dénouement de l’intrigue. La plupart des récits sont racontés par un narrateur véridique, ce qui implique que le lecteur se méfie rarement de ce qu’il lit.

Le narrateur incertain

On parle de narrateur incertain ou douteux lorsque diverses raisons amènent le lecteur à douter des propos du narrateur (qu’il soit interne ou externe).

Il est possible que le lecteur commence à douter du narrateur dès le début parce que celui-ci peut employer un ton dément ou paranoïaque, ou bien qu’il fait preuve d’une ignorance particulièrement singulière quant à sa position de narrateur. Le lecteur peut aussi douter des propos du narrateur parce qu’il se rend compte, au fur et à mesure du récit, que le narrateur se contredit ou qu’il dissimule volontairement au lecteur des informations importantes. Il peut également faire part d’hallucinations ou de choses improbables que le lecteur remet systématiquement en cause par rapport à ce qu’il perçoit de l’histoire relatée.

Enfin, le lecteur peut se laisser berner jusqu’à la fin, jusqu’au moment où le narrateur va révéler son double jeu (il est fou, il rêvait ou il s’est moqué volontairement du lecteur tout au long du récit).

On retrouve ce type de narrateur incertain dans des récits où, par exemple, la narrateur interne est un personnage menteur ou enfermé dans un asile, etc… Ou encore, lorsque le fait de faire tourner le lecteur en bourrique et de lui dissimuler des informations sert la compréhension et le déroulement de l’histoire.

Il résulte souvent de ce genre de récit que le lecteur ne sait plus vraiment ce qui est arrivé au personnage et qu’il existe différentes interprétations possibles de l’histoire. Je n’ai jamais lu de romans ou de nouvelles de ce genre, mais Wikipédia nous parle du roman American Psycho de Bret Easton Ellis dans lequel un homme raconte au lecteur comment il aime tuer, torturer, violer, et j’en passe. Apparemment, à la fin du livre, le lecteur en est encore à se demander si ce personnage est un véritable tueur en série ou s’il a tout simplement fantasmé les crimes qu’il a relatés. Il serait intéressant de lire ce roman pour comprendre la notion de narrateur incertain.


Avez-vous appris quelque chose sur les points de vue narratifs ? Cet article vous sera-t-il utile pour écrire vos prochains récits ? Laissez-moi vos commentaires pour en discuter !

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