Akemi no sekai

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Les 100 de Kass Morgan · Les lumières de Laureline, nouvelle

Les lumières de Laureline, nouvelle revisitée

Publié le 26/08/2015 dans Mes écrits.
couverture du livre

J’ai écrit une première version de cette nouvelle (que vous pouvez trouver ici si vous voulez voir l’évolution) et, Dieu merci, quelques âmes charitables m’ont dit ce qui allait et ce qui n’allait pas dedans.

On m’a dit par exemple que j’avais tendance à « bypasser le sentiment du lecteur », à savoir : dire que le personnage panique AVANT d’expliquer pourquoi il devrait paniquer. Pour palier à ce problème, on m’a conseillé de plutôt montrer comment le personnage paniquait pour rendre le lecteur plus empathique (merci Yon O’Cathan pour ce conseil ^^).

On m’a également reproché de trop tourner autour du pot pour amener le vif du sujet. Alors je me suis dit « Houlàlà alerte ! Je ne dois surtout pas ennuyer mon lecteur ! ». J’ai donc abrégé sérieusement l’introduction du personnage énigmatique afin que le personnage principal (qui est le narrateur du récit) soit directement plongé dans l’ambiance – que je devais par ailleurs rendre plus oppressante et angoissante.

Un autre critique plein de bonnes intentions m’a soufflé que mon texte était un peu désordonné. Le personnage principal oscillait entre deux pensées alors qu’il aurait mieux valut qu’il pense d’abord d’une certaine façon et soit ensuite définitivement convaincu d’autre chose (je ne peux pas vous en dire plus, ce serait gâcher le plaisir de la lecture). J’ai donc réarrangé tout ça.

On m’a dit aussi que les sentiments étaient bien retranscrits et que mon style était agréable à lire alors je n’ai pas tout réécrit non plus – faut pas exagérer ^^.

Je trouve cette nouvelle version plus agréable. J’espère qu’elle vous plaira aussi. N’hésitez pas à donner votre avis, il pourrait m’être utile si je décide de la retravailler à nouveau.

Environ 16 minutes de lecture.

Les lumières de Laureline - Version 2

Pour une fois que le train est à l’heure, c’est moi qui suis en retard. La foule se bouscule dans la gare. Sans réfléchir, je fonce tête baissée. Les gens piétinent et je n’ai jamais vu autant de sortes de godasses de toute ma vie ; des bottes, des baskets, des pieds nus, des fichus mocassins… Des pieds nus ? Le sol est recouvert de givre – où il n’a pas fondu sous les pas des voyageurs – et une multitude de chewing-gums colore sa surface obscure. Pourquoi quelqu’un traîne sans pompes ici ?La propriétaire de ces pieds a à peu près mon âge. Elle a l’air un peu pommée, flânant sans but comme si elle venait d’atterrir là sans savoir pourquoi. Je ne la vois que de dos, mais elle me semble familière. Je suis planté au milieu de la foule et je regarde sa silhouette menue avancer rêveusement sans se soucier des épaules et des coudes qui la percutent. Plus les secondes passent et plus je suis sûr que je la connais. J’ai du mal à croire que c’est possible.

— Laureline ?

Elle se retourne alors que je n’ai que murmuré son prénom. La cohue qui nous encercle se fige. Je ne vois plus que ses grands yeux gris, aussi vastes que le ciel hivernal.

Je n’hésite pas longtemps avant de me diriger vers elle. Elle me dévisage curieusement en se balançant sur les bords de ses pieds, ses orteils remuant sans cesse. Je n’ai pas l’occasion d’ouvrir la bouche qu’elle me demande si je la connais. Je confirme. Elle, elle ne me reconnaît pas. Ce n’est pas très flatteur, mais je ne peux pas lui en vouloir. On ne s’est pas vu depuis deux ans et c’était à quelques centaines de kilomètres de là. Rien ne pouvait indiquer qu’on risquait de se croiser ici. Je lui apprends que je m’appelle Dany et qu’on était amis au lycée.

— Je ne me souviens pas de toi.

— Eh bien…

— Tu allais prendre le train ? m’interrompt-elle alors que je m’apprête à lui dire que j’avais dû me tromper de personne.

— Oui.

Je me tourne inutilement pour lui désigner le quai du fond et réalise que tous les passagers ont disparu. Le convoi aussi. Je l’ai manqué. Je baisse les yeux et remarque de nouveau les pieds de Laureline.

— Pourquoi tu portes pas de chaussures ?

— Oh, je n’en ai plus, répond-elle sur un ton de présentatrice météo.

Elle avance vers la sortie de la gare et je ne vois d’autre solution que de la suivre. Je suis curieux. Elle ne manifeste aucune réaction quand je la rattrape et se contente de me tenir la porte pour que je passe devant elle.

— Elles sont où ? insisté-je alors.

— Ils les ont prises. Sans doute pour les examiner.

Son attitude, son regard éteint et sa tenue inadéquate ne font plus qu’un tour dans mon esprit. Elle parle d’eux.

— Tu veux dire que tu étais avec des extra-terrestres ?! m’exclamé-je entre mes dents serrées, vérifiant rapidement que personne ne nous écoute.

Un vieux barbu tire sur son cigare en dépliant le journal, devant le kiosque. À part lui, il n’y a pas un chat dans le hall. Je retiens Laureline par le bras pour l’obliger à s’arrêter et plonge mon regard dans le sien. Elle n’est pas surprise. Elle ne trouve même pas ma suggestion tordue. Elle se contente de hocher la tête.

Je suis aussi excité que le jour où j’ai reçu ma première maquette de soucoupe volante quand j’avais cinq ans. Mon père était un grand maniaque de science-fiction et j’ai hérité de sa passion. J’ai toujours pensé qu’une autre forme de vie existait au-delà de notre planète et je l’avoue, j’espérais en être témoin un jour, quitte à être moi-même emmené dans un vaisseau. Je ne peux m’empêcher de sautiller sur place, impatient, mais lorsqu’elle ouvre la bouche, je l’interromps :

— Attends, allons chez moi. Faut pas qu’on nous entende.

Sans lui lâcher le poignet, je me précipite dehors. Mon studio n’est qu’à deux rues de la gare. J’ai conscience que je la fais courir pieds nus sur les pavés, mais elle ne s’en plaint pas. Quelques minutes plus tard, elle est assise sur mon clic-clac et contemple les affiches de films collées au mur. Je lui tends une tasse de café en lui demandant ce qui s’est passé depuis qu’elle a disparu de la circulation. Je croyais qu’elle avait juste déménagé.

— Je n’ai pas voulu partir, murmure-t-elle. Ils m’ont emmenée, je n’ai pas eu le choix.

— Et tes parents ?

— Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas d’eux.

Je me fige involontairement, à demi penché au-dessus du fauteuil alors que j’allais m’assoir à côté d’elle. Elle a oublié ses parents ? C’est plutôt moche. J’ai toujours pensé qu’une abduction était un truc complètement dément qu’il fallait vivre à tout prix et que quand tu redescendais sur Terre, tu te disais : « Ouah, j’ai rencontré des aliens, la classe » . Bien sûr, plusieurs témoignages affirment que les extra-terrestres pratiquent d’étranges expériences sur les humains, mais je n’y ai jamais vraiment cru. J’imagine qu’ils sont curieux et je vois plutôt la rencontre comme un entretien autour d’un apéro. C’est pourquoi la réaction de Laureline me déstabilise. Elle a perdu le côté pétillant que je lui connaissais et elle a l’air terrifiée. Le café clapote dans la tasse entre ses mains tremblantes. Je dois savoir ce qu’elle a vécu. Je l’interroge.

— Ils ont pratiqué des drôles d’expériences sur moi, m’explique-t-elle. Je ne me rappelle pas tout, mais je me souviens que je ne me sentais plus moi-même. Ils m’ont montré des images étranges et ils m’ont injecté des produits dans le corps. C’était comme si ma raison me quittait.

J’essaie de garder un visage impassible, mais une sueur froide glisse sournoisement le long de mon échine. Se pourrait-il que ce soit vrai, que tous les témoignages soient fondés et que les extra-terrestres torturent les humains ? Je voudrais en découvrir plus, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Ma bouche devenue sèche m’empêche de déglutir. Ce que Laureline raconte paraît tellement fou. Si les extra-terrestres, d’où qu’ils viennent, étaient aussi mauvais, pourquoi relâcheraient-ils leurs prisonniers ? Je ne sais pas, je me dis que Laureline doit inventer ; ou bien je refuse de croire à cette version de l’histoire. J’ignore pourquoi elle se baladait à la gare pieds nus, mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas bien nette dans sa tête. Je me souviens qu’elle a toujours aimé faire des blagues et elle savait déjà que j’étais mordu de SF. Elle doit tout mélanger. Je l’interroge sur ses ravisseurs pour voir si elle reste cohérente dans son discours. Je me dis que si elle invente volontairement, elle finira bien par commettre une erreur qui la trahira.

— Ils sont comment ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

— Quand ils sont venus chez moi, ils étaient invisibles, commence-t-elle. Je n’ai remarqué leur présence que lorsque j’ai ressenti une pression au creux de mon bras. Ils avaient injecté du poison dans mes veines. J’ai été traînée jusqu’à la porte, mais je ne pouvais pas hurler. C’était comme si une main immense était écrasée sur ma bouche. Et puis une fois dehors, un crochet s’est agrippé à mon nombril et m’a tirée vers le haut. Je crois que j’ai perdu connaissance à ce moment-là. J’ai repris mes esprits quand leurs images me sont apparues en rêve. Alors je les ai vus.

Le rythme de mon cœur et ma respiration s’accélèrent au fur et à mesure de son récit. A-t-elle pu inventer tout cela ? Oui, probablement. Ça paraît même assez simple. Je suis tenté de lui demander si elle a gardé une cicatrice de son envolée – un hameçon dans le nombril, ça doit forcément laisser des traces –, mais je n’ose pas.

— Alors, ils ressemblaient à quoi ? parviens-je enfin à répéter.

Essayant de rassembler mes esprits et de retrouver un peu de bon sens, je me dis que si elle me sort le chapitre sur les petits hommes verts aux grands yeux noirs, c’est qu’elle me sert un bobard. Je retiens mon souffle jusqu’à ce qu’elle réponde :

— Ils n’étaient que lumière.

Je la dévisage sans comprendre, attendant plus de précisions, mais elle garde le silence.

— Lumière ? Comment ça ?

Son regard cendré, vaguement perdu dans le vide, semble faire le point sur mon visage avant qu’elle ne réagisse enfin.

— J’étais allongée sur une table, tout était sombre, mais il y avait des boules blanches qui flottaient au-dessus de moi.

Je me demande comment l’endroit où elle se trouvait pouvait être sombre si des globes lumineux étaient suspendus autour d’elle, mais je remarque qu’elle paraît encore plus perturbée. Ses tremblements ont gagné le reste de son corps et ses lèvres ont pris une teinte grisâtre inquiétante. Elle n’a vraiment pas l’air bien.

— Leur force m’écrasait, poursuit-elle. J’étais vide. Chaque image qu’ils me montraient aspirait un peu plus de mon humanité. C’était l’impression que j’avais. Je me sentais perdue.

Elle serre les bras autour de sa poitrine et je constate que ses vêtements sont inhabituels. Je n’y avais pas fait attention avant parce que j’étais trop intrigué par son récit, mais maintenant je remarque qu’elle porte une blouse courte et un pantalon en coton qui pourraient ressembler à une tenue de patient. Je prends alors réellement conscience de la situation. Elle raconte n’importe quoi, mais elle est persuadée que son histoire est vraie. Elle a dû s’enfuir de l’hôpital où elle était gardée pour une raison ou une autre, sans doute liée à son état mental. Ce dont je suis certain en revanche, c’est que je l’ai emmenée dans mon studio et que ça va m’apporter des ennuis ! Je dois la conduire chez les flics pour qu’ils retrouvent d’où elle vient.

Sans réfléchir davantage, je me rue sur le placard de l’entrée pour dénicher mes après-ski et une paire de grosses chaussettes. Je les lui lance et lui dis de les mettre le temps que j’extirpe un anorak de la penderie. Chaussée, Laureline me fixe d’un air interrogatif. Je lui saisis le bras et le passe dans la première manche du manteau avec impatience. Elle se charge alors de l’enfiler entièrement et je lui prends la main pour l’entraîner dehors. Après dix minutes de marche, nous montons dans un bus en direction du commissariat de police.

Laureline ne dit plus rien. Elle est assise contre la vitre crasseuse du véhicule et regarde à l’extérieur. Le soleil disparaît rapidement et le ciel se colore d’une teinte ardoise. Les derniers rayons lumineux terminent d’éclairer le visage sale de mon amie. Elle semble faible et malade, comme si elle n’avait pas mangé depuis plusieurs jours. J’imagine qu’elle a dû errer dans les rues depuis qu’elle s’est enfuie de l’hôpital. Mon cœur se serre quand je pense qu’elle a probablement passé plusieurs nuits dehors, dans le froid mordant.

— Je croyais que je pouvais te faire confiance, dit-elle tout à coup, mais tu vas me ramener auprès d’eux.

Étrangement, je me sens soulagé. Si elle a conscience que je peux la conduire d’où elle vient, alors elle sait, au fond d’elle, qu’elle était dans une clinique et pas dans un vaisseau spatial. Je suis un peu déçu de la tournure des évènements, mais quelque part, je suis rassuré qu’elle ait inventé son enlèvement. Je n’avais pas envie de croire que ça se passait comme ça.

— Tu sais que cette histoire d’extra-terrestres est fausse, n’est-ce pas ?

Elle me fixe d’un air désolé que je ne lui avais jamais vu et se détourne de moi, contemplant de nouveau la route qui défile sous les roues du bus.

— Laureline ? J’ignore ce qui t’est arrivé, mais si je te ramène là-bas, c’est pour ton bien.

— Je t’ai révélé ce qui m’était arrivé. Cela ne m’a fait aucun bien, crois-moi.

Je voudrais répliquer, mais je ne sais pas quoi dire. Je me borne à regarder les jambes des autres passagers, tassés dans l’allée centrale.

Plus j’y pense, plus je vois les parallèles entre son hypothétique enlèvement et son séjour à l’hôpital. Je crois que les lumières qu’elle m’a décrites étaient celles suspendues au-dessus de son lit. Les poisons dont elle a parlé devaient être des sédatifs ou des analgésiques. Mais comment la convaincre ?

— Pourquoi tu imagines cette abduction, Laureline ? Tu es droguée par les médicaments ?

Je lui prends les bras pour la tourner vers moi. Mon manteau est trop grand pour elle, il tombe, informe, sur ses épaules affaissées. Elle a l’air d’une enfant triste et fragile dedans.

— Aide-moi, Dany, s’il te plaît.

— Je… J’essaie !

Son ton suppliant est une réelle torture. Sa peau est marquée par les lignes blanches où coulent ses larmes. Je l’ai toujours vue souriante, je ne peux pas supporter sa détresse. Je me sens moi-même stressé et paniqué par toute cette histoire.

La voix automatisée du bus annonce notre arrêt et le chauffeur ralentit. Laureline a l’air tellement anxieuse que j’hésite maintenant à l’abandonner avec les policiers qui vont la bombarder de questions et l’enfermer quelque part en attendant que quelqu’un vienne la chercher.

Tous les passagers descendent comme une nuée d’insectes. La porte ouverte laisse entrer un vent glacial. La nuit semble tomber sur la ville comme une couverture. Les néons tressautent au-dessus de nos têtes, mais l’avant du bus reste dans l’obscurité. Laureline resserre mon manteau autour de son cou en frissonnant.

— Ils savent que je t’ai parlé, dit-elle sur un ton monocorde. Je crois que c’est trop tard.

La porte se referme et on roule de nouveau. Je regarde le commissariat de police s’éloigner par la fenêtre en soupirant. Tant pis, on descendra au prochain arrêt et je conduirai Laureline aux urgences. Progressivement, la nuit noire ne laisse plus apparaître que nos reflets blafards sur les vitres, entrecoupés par moment des traînées de lumière jaune des lampadaires extérieurs. La radio du bus grésille et s’éteint. Un silence pesant s’abat sur nous, diamétralement opposé à l’agitation de mon esprit. Je ne suis pas certain de ce que Laureline vient de me dire.

— De… de quoi tu parles ? Qu’est-ce qui est trop tard ?

— Ils ne sont pas contents. Ils vont vouloir en finir.

Cette fois, elle me fait vraiment flipper. Elle ne parle pas de policiers ou de médecins, puisqu’il est impossible qu’une de ces personnes sache que je m’apprête à la déposer à l’hôpital. Son regard est de nouveau éteint. Ses larmes ont cessé de couler et toute sa détresse a disparu. Elle me fixe sans même me voir, des lumières se reflétant dans ses yeux. Je cherche l’origine de cet éclairage préoccupant, mais rien dans le bus n’y correspond.

Le temps que je retourne la tête vers elle, elle est prostrée sur son siège, les bras enroulés autour de ses genoux, les bottes posées sur le rebord de la banquette avec mes chaussettes à carreaux qui en dépassent. Si Laureline était dans un état normal, l’inquiétude se lirait sans doute sur son visage, mais elle a l’air complètement impassible ; les traits neutres, les yeux devenus vitreux et les pupilles étrangement dilatées. Seuls les petits nuages de buée s’échappant de ses lèvres indiquent qu’elle respire encore, mais son souffle semble irrégulier et plutôt faible. Je lui demande si elle se sent bien en lui prenant la main et ce contact me fait sursauter. Elle a la peau glacée. Mon cœur s’emballe. Je n’ai jamais été dans un tel état de panique.

Le bus ralentit de nouveau. Sans plus attendre, je hisse le bras de Laureline autour de mon cou et la traîne jusqu’à la porte en titubant comme un ivrogne. Je me rattrape de justesse à une barre lorsque le véhicule s’arrête et je me hâte de descendre, entraînant mon amie avec moi.

Tout ce que j’ai appris en cours se bouscule dans ma tête. D’après son état, la réaction de ses pupilles et la température de son corps, Laureline est en hypothermie. Elle gèle de l’intérieur. Comme je le craignais, elle a dû passer plusieurs nuits dehors. Je cours du mieux que je peux en la supportant. Je sais que l’hôpital n’est pas loin, elle doit tenir le coup jusque-là ! Il n’y a qu’une rue à traverser. Les urgences sont de l’autre côté de l’avenue, j’aperçois les lettres rouges allumées au-dessus de l’entrée du bâtiment.

— Dany, les lumières…

— Quoi ? On est bientôt arrivés, ça va aller.

Elle parle, c’est bon signe. Elle n’est pas encore dans un état comateux.

— Mais ils sont déjà là.

Elle tend le bras vers la route et je les vois aussi ; les deux lumières qui foncent droit sur nous, précédant l’ambulance qui vient de tourner au coin de la rue.

Je bondis aussitôt, poussant Laureline devant moi. Son manteau et son chemisier se soulèvent dans sa chute et j’aperçois une cicatrice blanche sur son ventre, juste sous son nombril.

Mes pensées oscillent entre l’image d’un gros hameçon et celle du camion, mais je n’ai pas le temps de m’y attarder. Tout a beau se passer au ralenti, je sais qu’il est déjà trop tard. Le conducteur ne freinera pas assez vite. Même s’il braque pour nous éviter, la route est légèrement glissante, la distance qui nous sépare n’est pas suffisante pour stopper son camion.

Laureline sera projetée sur le trottoir d’en face. Avec un peu de chance, elle ne se cognera pas la tête et les urgentistes, de l’autre côté de la double porte vitrée, se précipiteront à son secours, alertés par les crissements des pneus.

Le conducteur s’en remettra très probablement. Même s’il fonce dans un arbre ou une barrière, l’airbag le protègera sans doute et il s’en tirera avec une commotion.

Quant à moi, je serai percuté par le pare-chocs et soit je passerai sous les roues, soit je serai éjecté plusieurs mètres plus loin, mort.

Des boules luminescentes se mettent à clignoter devant mes yeux alors que tout me semble obscur. Est-ce que Laureline a vécu ça ?

Nouvelle illustration d’extraterrestres dans une soucoupe en version méchant tueur.
UFO kill it ! par Diatomée

Et en bonus, une nouvelle illustration que je n’ai pas mise au début de l’article pour éviter que les nouveaux lecteurs sachent d’emblée qu’il allait y avoir des extra-terrestres dans l’histoire !