Akemi no sekai

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Le narrateur c’est tabou…

Publié le 20/10/2015 dans Rédaction.

… On en viendra tous à bout !

Nous avons déjà parlé du narrateur dans un précédent article. Diatomée et moi allons vous faire une brève piqûre de rappel, en ajoutant quelques précisions, avant d’entrer dans une réflexion un peu différente.

Petit rappel

Tableau récapitulatif sur les points de vue et le narrateur.
Tableau récapitulatif

Voilà. Nous avons résumé les choses de manière rapide et simple.

Moi, ce qui m’intéresse surtout, c’est la manière dont l’auteur pense son narrateur et celle dont le lecteur le perçoit.

Le narrateur, qu’est-ce que c’est ?

♬ ♪ Qui est-il ? D’où vient-il ? Ce fabuleux géant, des nouveaux temps ! ♪ ♬ (Oulàlà, je m’emporte peut-être un peu ^^)

Plus sérieusement, ma question est simple, mais elle nécessite, il me semble, une réponse réfléchie : Qui est le narrateur et comment faire pour que le lecteur ne s’y perde pas ?

Pour l’auteur

L’auteur n’apparaît pas dans l’histoire, mais il crée le narrateur pour qu’il raconte l’histoire à sa place.

Je vais essayer de vous exposer comment je vois les choses :

Le narrateur est un personnage à part – quand il n’est pas un personnage même de l’histoire bien sûr. Il a une personnalité, des caractéristiques propres et il perçoit l’intrigue à sa manière avec son point de vue et ses pensées – qui peuvent très bien être différents de ceux de l’auteur ! Le narrateur connaît – ou non – les émotions des personnages de l’histoire – même s’il n’a aucune interaction avec eux –, mais il en ressent également qui lui sont propres. Bref, il est vivant. Il décide de ce qu’il veut dire au lecteur et il apporte une touche particulière au récit (sauf, évidemment, quand il est effacé).

Le narrateur dispose en fait d’un libre arbitre. Il a le choix. Il est tel que l’auteur veut qu’il soit et le lecteur le prend comme il est. Ce qui nous amène à notre seconde sous-partie.

Pour le lecteur

Le lecteur qui ouvre le livre pour savourer un moment agréable ne se demandera pas qui est le narrateur, sauf si celui-ci le désire. Il lira l’histoire, s’y plongera et vivra l’aventure avec les personnages.

Andy se mit à courir pour échapper à son poursuivant. Il savait que s’il se faisait attraper, il finirait dans la poubelle du coin de la rue. Les passants s’offusquaient de se faire bousculer plutôt que de réagir à la maltraitance du garçon. C’était pourtant clair ! Il était petit, chétif, et celui qui s’essoufflait derrière lui pesait deux fois son poids et affichait un air goguenard. L’issue était évidente. Pourtant, personne ne réagissait. Il aurait suffi à ce vieillard de tendre sa canne en travers du chemin de la grosse brute, ou à cette dame de laisser la victime entrer dans sa boutique pour se mettre à l’abri. Mais personne ne fit rien.
Exemple

Ici, le point de vue est externe et le narrateur est aligné sur l’épaule et intrusif (probablement véridique). Peut-être qu’il est également omniscient, mais le passage ne nous permet pas de nous en assurer. Il nous raconte une course poursuite entre deux enfants. Il n’hésite pas à nous dire qu’il trouve la scène scandaleuse et il accuse les témoins de ne pas agir. À côté de ça, on voit aussi que le narrateur connait les pensées d’Andy. Le point de vue personnel du narrateur permet au lecteur de se positionner du côté de la victime et d’éprouver de la compassion pour elle, mais aussi de la fureur contre l’autre garçon et contre tous ceux qui le laissent agir à sa guise.

Je débutai ma course pour échapper à mon poursuivant. Je savais que s’il m’attrapait, je finirais dans la poubelle du coin de la rue. Je bousculai les passants sans prendre le temps de m’excuser. Je regardai brièvement par dessus mon épaule. La distance entre moi et le gros lard se resserrait. Ma seule chance, c’était de me réfugier dans la librairie. Il préfèrerait encore abandonner la traque plutôt que de mettre un pied dans une boutique de livres ! Je ralentis devant la porte au moment où la libraire sortait, mais elle me chassa.
Autre exemple

Ici, le point de vue est interne. Le narrateur est un personnage de l’histoire, il est donc intrusif et pas forcément véridique, car il n’a pas le recul nécessaire pour raconter objectivement l’histoire.

J’ai lu beaucoup d’avis d’autres écrivains amateurs (appelons-nous comme ça), qui pensent que le narrateur interne permet au lecteur de plus s’identifier au personnage, de mieux comprendre ce qu’il ressent et de profiter davantage de l’intrigue. Contrairement au narrateur externe omniscient qui instaure une sorte de distance avec le lecteur.

Moi, je crois que suivant le genre d’histoire racontée, certains types de narrateurs sont plus ou moins adaptés pour immerger le lecteur dans le récit. À mon avis, un narrateur omniscient peut tout autant accrocher l’attention du lecteur en choisissant les éléments qu’il va révéler, l’ordre dans lequel il va les révéler et la manière dont il va procéder.

J’aime beaucoup le narrateur omniscient, aligné sur l’épaule et intrusif (véridique). Il montre exclusivement au lecteur les actions et les pensées du personnage qu’il suit, alors qu’il connait tout le reste de l’intrigue, et il peut dévoiler certaines choses aux moments opportuns. S’il fait ça de la bonne manière – en ne donnant pas l’impression au lecteur qu’il lui cache volontairement des choses et qu’il le berne –, et si les émotions des personnages sont suffisamment bien retranscrites, alors le lecteur parviendra à assimiler l’histoire, les personnages et les implications de l’intrigue de la même manière qu’avec un point de vue interne. En plus, ce narrateur peut suivre différents personnages à sa guise pour faire avancer l’histoire. C’est génial !

J’ai principalement rencontré ce type de narration dans les romans jeunesse comme Harry Potter, par exemple.

Et pourtant, Harry Potter était toujours là, encore endormi pour le moment, mais plus pour longtemps. Car sa tante Pétunia était bien réveillée et ce fut sa voix perçante qui rompit pour la première fois le silence du matin.[…]Harry l’entendit s’éloigner vers la cuisine et poser une poêle sur la cuisinière. Il se tourna sur le dos et essaya de se rappeler le rêve qu’il était en train de faire. C’était un beau rêve, avec une moto qui volait, et il eut l’étrange impression d’avoir déjà fait le même rêve auparavant.
Extrait de Harry Potter à l’école des sorciers de J.K. Rowling

Ici, Harry est réveillé par sa tante. L’action nous est racontée par le narrateur, qui est également capable de pénétrer dans la tête de Harry (et celle de la tante Pétunia, mais il ne le fait pas ici) pour nous parler du rêve dont il essaye de se rappeler. Le narrateur peut même qualifier ce rêve de « beau » et nous dire qu’il portait sur une moto volante, puisqu’il sait ce que Harry pense. Pourtant, au début de l’extrait, Harry dort et ne sait pas que sa tante s’apprête à le réveiller. Le narrateur, lui, le sait.

Il est possible aussi que le narrateur change de statut en cours d’histoire. Cela peut paraître déstabilisant, surtout pour un lecteur avisé qui cherche à définir le point de vue (comme un écrivain, déformation professionnelle oblige, par exemple). Dans ce cas, si l’auteur (oui, l’auteur !) a bien pensé les choses et que le narrateur se positionne correctement aux bons moments et apporte une explication plausible, le changement de point de vue est facilement assimilé et accepté par le lecteur.

Pour résumer, je dirais que chaque type d’histoire nécessite un narrateur particulier. Pensez-y ^^.