Akemi no sekai

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À propos
SF SEX, court texte · Chat érotique, court texte

Pour le meilleur et pour le pire, court texte

Publié le 12/03/2018 dans Mes écrits.
couverture du livre

Voici une autre nouvelle, écrite en 2015. Il y avait sans doute une occasion particulière liée à cet écrit, mais je ne sais plus trop laquelle. Je crois que j’essayais seulement d’écrire sur un thème plus populaire et dans un style plus réaliste de ce que j’avais l'habitude de produire, avec les aventures de Megumi notamment. À l’époque, le triangle amoureux, le travail et le mariage me semblaient être des sujets qui intéressaient plus de lecteurs…

Environ 35 minutes de lecture.

Pour le meilleur et pour le pire

Je me tourne et me retourne devant le miroir pour la dixième fois.

— Je te dis que tu es superbe, répète Elliot sur un ton amusé.

Il ne semble pas réaliser à quel point je suis stressée. Je me force à rester tranquille et scrute le reflet de mon visage. Je ne suis ni coiffée ni maquillée et comme je dors mal depuis le début de la semaine, j’ai l’air plutôt déconfite. Faisant abstraction de mon teint pâle, des poches gonflées autour de mes yeux et de ma frange frisée – un vrai cauchemar –, je m’attarde sur ma robe. Elle est en mousseline crème, parfaitement ajustée à la taille avec un col arrondi qui enjolive ma poitrine et des manches qui recouvrent à peine mes épaules. Elle descend jusque derrière mes genoux, légèrement évasée comme les robes des années 50. La doublure et la ceinture sont opaques, d’une couleur caramélisée qui n’est pas sans rappeler celle de mes cheveux. J’ai choisi cette robe spécialement pour l’occasion, histoire d’avoir l’air plus habillée que d’habitude. Je suis plutôt du genre à porter des jeans ou des jupes avec de simples t-shirts, pas ce genre de tenue dédiée aux grands événements.

— Tu es sûr que ça ne fait pas kitsch ?

Je vois Elliot lever les yeux au ciel dans la glace. Il se redresse sur le lit et tend les mains vers moi. Je jette un dernier coup d’œil à mon reflet avant de me réfugier auprès de lui. Il serre ses bras autour de mes cuisses et murmure contre mon ventre :

— Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu tiens tant à être aussi jolie alors que je ne serai même pas là.

— Mais je vais à un mariage ! Je ne peux pas me pointer là-bas habillée n’importe comment !

— Je sais, soupire-t-il en caressant mes fesses.

Il passe ses mains sous la doublure de la robe et effleure la dentelle de ma culotte du bout des doigts.

— J’ai quand-même le droit de te l’enlever, cette robe ? s’amuse-t-il en levant les yeux vers moi.

Son regard est pétillant et aguicheur. Je lui empoigne les cheveux pour lui maintenir la tête en place et me penche pour l’embrasser.

— Bien sûr, réponds-je ensuite. Il ne faudrait pas la froisser.

Il ne faut pas lui dire deux fois ! Il me surprend en faisant glisser la robe par-dessus ma tête et en se levant pour l’étendre sur le dossier d’une chaise. Il m’attrape ensuite par la taille et me jette sur le lit, vêtue uniquement de mes sous-vêtements.


Je vérifie une dernière fois que toutes mes affaires se trouvent bien dans ma valise, posée près de l’entrée avec la housse contenant ma robe, puis je vais dans la chambre sur la pointe des pieds. Elliot est profondément endormi. Il est presque 5h, mon TGV part dans trente minutes. Il me reste tout juste le temps d’embrasser l’amour de ma vie avant de filer jusqu’à la gare.

Je me penche au-dessus de lui et lui murmure à l’oreille :

— Je pars maintenant. Je t’aime.

Je dépose un baiser sur sa joue et quitte la pièce avec un pincement au cœur. Depuis douze ans que nous sommes ensemble, il ne nous est arrivé que très rarement de sortir chacun de notre côté. J’appréhende un peu de traverser la moitié du pays pour retrouver des amis de longue date sans Elliot à mes côtés, mais il n’a pas pu obtenir de jours de congés pour m’accompagner. Je ne suis pas vraiment restée en contact avec mes anciens amis, mais j’avais envie d’assister au mariage de Natasha que j’ai encore très souvent au téléphone depuis que nous avons quitté le lycée.

— Humm… marmonne Elliot.

— Je t’enverrai un message quand je serai arrivée.

— Grr…

— Tu vas me manquer.

Il se met à gesticuler en tirant la couette sur ses épaules. Je lui jette un dernier regard avant de sortir.

La nuit est douce et il n’y a pas un chat dehors. J’arrive rapidement à la gare et parviens à composter mon billet au bout de la troisième tentative seulement, à cause de la fatigue.


Le trajet jusqu’à Paris s’est passé en un éclair, j’ai dormi tout du long. Lorsque je descends à la gare de Lyon et prends le métro pour rejoindre la gare Montparnasse, il est déjà 9h et je me sens un peu plus réveillée. J’ai le temps de boire un café avant de prendre ma correspondance, mais je ne peux rien avaler de plus. J’ai l’estomac noué par le stress.

Je ne sais pas exactement lesquels de mes vieux amis seront là, mais Natasha m’a dit que beaucoup d’entre eux avaient répondu présents. Les revoir, entendre parler de leur vie et me voir forcée de répondre à leurs questions sur la mienne me paraît difficile à affronter. Mais comme me l’a répété Elliot chaque fois que je lui ai fait part de mes angoisses depuis que j’ai accepté l’invitation, je n’avais qu’à refuser. Après s’être montré aussi sec, il s’efforçait néanmoins de me rassurer en disant que tout allait bien se passer. Il s’en voulait un peu de ne pas pouvoir venir avec moi.

Le trajet jusqu’à Nantes dure plus de deux heures et je sommeille vaguement en sursautant chaque fois qu’une nouvelle chanson démarre. Écouter de la musique est le seul moyen que j’ai trouvé pour me maintenir à peu près éveillée. Je monte dans le dernier train et consulte l’heure sur mon téléphone. Il est plus de 12h30. J’envoie un message à Elliot pour lui souhaiter un bon appétit et lui dire que j’ai dormi comme une marmotte pendant pratiquement tout le trajet et qu’il me manque. Il me répond seulement avec le dessin d’un gros chat qui pionce, mais dont des cœurs sortent de sa bouche à la place des « Zzz » habituels dessinés quand quelqu’un est endormi. Cette vision me réconforte.

Encore une heure et demie et je serai enfin arrivée sur la côte. Le voyage est très long, mais je n’aurais pas été plus vite en voiture et je ne me voyais pas prendre l’avion pour traverser un malheureux quart de la France !


J’arrive devant l’auberge en tirant ma valise d’une main et en tenant mon sac et la housse de ma robe sur l’autre bras. Plusieurs personnes se tiennent près du bureau d’accueil, occupées à lire un document collé sur la porte. Je les dépasse et entre dans la pièce. Un vieil homme au front dégarni me sourit et dit :

— C’est la folie ici avec le mariage. Vous faites partie des invités ?

Je confirme et lui donne mon nom pour qu’il m’indique le numéro de ma chambre.

— 304. L’autre est déjà là.

— L’autre ?

— Mademoiselle Pinon ne vous a rien dit ? Elle a loué toute l’auberge pour ses invités, mais je n’ai que des chambres doubles. Elle a dû rassembler des gens. Les noms sont inscrits sur la liste.

Il me désigne la feuille collée à la porte. Il y a toujours foule autour et cela me décourage d’aller voir. Normalement, Elliot aurait dû partager la chambre avec moi, mais il a appris seulement la semaine dernière qu’il ne pouvait plus m’accompagner à cause de son travail. Je suppose que Natasha en a profité pour mettre quelqu’un d’autre à sa place dans la chambre. Je la comprends, ce doit être compliqué de loger tous les invités. J’interroge le bonhomme sur l’identité de ma colocataire de dernière minute.

— Dosset, me dit-il d’un air distrait en cherchant quelque chose sur son bureau.

Il finit par me tendre une carte en plastique perforée avec le numéro de la chambre inscrit dessus. Je le remercie et me dirige vers l’ascenseur tout en me demandant si je connais une « Dosset ». Cela ne me dit rien. Je suppose que c’est une des nouvelles amies de Natasha, à moins que ce ne soit une ancienne connaissance qui s’est mariée et a donc changé de nom.


J’ouvre la porte et suis surprise de trouver un homme – un homme que je connais – assis sur le lit, torse nu, une serviette humide à la main. Il me regarde avec de gros yeux ronds et je ressors en m’excusant. J’ai dû me tromper de chambre. Pourtant, la carte d’accès a fonctionné. Alors que je m’interroge en regardant le numéro inscrit sur la porte, celle-ci s’ouvre de nouveau et l’occupant me sourit largement. Il a enfilé une chemise blanche.

— Quelle surprise, me dit-il en s’écartant pour me laisser entrer.

— Je me suis trompée de chambre, réponds-je sans pouvoir m’empêcher de le dévisager.

Il a de grands yeux gris pigmentés de vert. Son nez est un peu large, mais ses fossettes et son sourire immaculé ont toujours corrigé ce léger défaut. Il porte une courte barbe, comme s’il ne s’était pas rasé depuis deux ou trois jours. Ses cheveux châtains décoiffés et mouillés, ainsi que la non-tenue dans laquelle je l’ai trouvé, m’indiquent qu’il sort tout juste de la douche.

— Pas du tout, réplique-t-il. On partage cette chambre, Agathe.

Je soupire malgré moi avant d’entrer. Si j’avais pu imaginer que le week-end commencerait de cette manière, je me serais sûrement faite passer pour malade.

— Dosset ? l’interrogé-je. Tu as changé de nom ?

Louis referme la porte et reprend sa place sur le lit où il s’empare de nouveau de sa serviette pour continuer de sécher ses cheveux.

— C’est celui de ma mère. J’ai effacé tout ce qui avait un rapport avec Roger dès que j’en ai eu l’occasion.

Roger, c’est son père, mais ils ne se sont jamais aimés. Louis hausse les épaules et balance la serviette au pied de la porte de la salle de bain avant de s’appuyer sur les poignets, les bras en arrière, pour me regarder.

— Tu es toute seule ? Où est Elliot ?

Louis et moi étions amis, il y a très longtemps. En fait, nous étions les meilleurs amis du monde, si l’on peut dire. J’éprouvais même plus que de l’amitié pour lui, mais mes sentiments ambigus et ses nouvelles connaissances ont fini par nous éloigner. Ensuite j’ai rencontré Elliot et Louis a suivi sa route. Nous avons perdu le contact.

— Il devait bosser.

Enfin résignée, je finis par déposer mes affaires sur une chaise et viens m’asseoir à côté de lui sur le lit.

— Je ne pensais pas te voir ici, lui dis-je.

— Ah bon ? Pourquoi ça ? Nat est mon amie.

Je m’efforce de sourire, mais je reste sceptique. Louis n’est jamais resté « ami » très longtemps avec qui que ce soit et j’ai du mal à croire qu’il soit resté suffisamment proche de Natasha pour désirer assister à son mariage.

— Pourquoi tu souris comme ça ? me demande-t-il. Tu ne me crois pas ?

Il semble plus amusé qu’offensé et j’ai l’impression que nous nous sommes vus pour la dernière fois hier. Je n’aurais pas cru que si j’avais l’occasion de lui reparler un jour, les choses se passeraient aussi simplement.

— Tu as toujours été très exclusif, finis-je par lâcher, tu es incapable de rester en contact avec tes amis si tu t’en fais de nouveaux. Je suis donc surprise que tu prennes du temps pour Natasha.

— Exclusif, s’esclaffe-t-il. Si tu le dis… J’avais juste envie de revoir quelques personnes.

Je l’interroge du regard et il finit par éclater de rire.

— Bon, je l’avoue, dit-il, je n’avais pas du tout l’intention de venir. Je me suis décidé à la dernière minute et il se trouve qu’il restait un lit pour moi !

— Quelle chance qu’Elliot ait dû se désister, plaisanté-je.

— Oui, une chance.

Louis semble pensif et je me sens tout à coup mal à l’aise.

— Je vais te laisser te préparer, dis-je en désignant sa chemise pas complètement boutonnée.

Je me lève et cours presque jusqu’à la sortie. J’ai besoin d’air. Le revoir après tout ce temps me donne le cafard.

— Tu peux rester, fait-il. J’ai presque fini.

Il se penche sur sa valise, ouverte au pied du lit, et s’empare d’une cravate qu’il se passe autour du cou en grimaçant, comme s’il s’agissait d’une corde. Lorsqu’il se tourne vers le miroir en pied et ajuste son col, je remarque un tatouage sur sa nuque ; un simple cercle. C’est subtil et assez intriguant.

— Je ne t’ai jamais vu porter de costume, fais-je remarquer en appréciant la coupe droite de son pantalon noir et la veste assortie qu’il passe par-dessus sa chemise. Ça te va plutôt bien.

— Tu m’étonnes ! J’ai hâte de voir quelle tenue tu as apporté, toi.

Ses yeux pétillent de malice et cela me gêne. J’ai peur de porter ma robe des années 50 devant lui. Une chaleur désagréable m’envahit.

— Quoi ? Tu vas garder ce jean ? insiste Louis en voyant ma tête déconfite apparaître derrière lui dans la glace.

— Non. Bien sûr que non. Je vais à la salle de bain.

Je récupère mes affaires sur la chaise et commence à traîner la valise dans la pièce. Pas question de sortir enroulée dans une serviette alors que Louis est là. Celui-ci me propose d’ailleurs de m’attendre pour que nous nous rendions à l’église ensemble.


— Tu sais Agathe, je n’ai pas osé te le dire tout à l’heure, mais…

Louis et moi marchons en direction de l’église, qui se trouve à quelques rues de l’auberge. Il a eu l’air impassible quand je suis sortie de la salle de bain, ce qui m’a quelque peu rassurée quant à mon apparence dans cette fameuse robe vintage. Pourtant, ce que Louis me dit là m’inquiète de nouveau.

— Eh bien, quoi ? l’encouragé-je à continuer, nerveuse.

— Tu es vraiment époustouflante dans cette robe.

Il accélère le pas et s’engouffre dans l’édifice. Je crois qu’il a rougi. J’ai besoin de quelques secondes supplémentaires pour me remettre de ce compliment inattendu avant de parvenir à le suivre à l’intérieur.

La nef est pleine à craquer. À première vue, je ne connais pas les trois quarts des personnes présentes. Louis semble aussi intimidé que moi.

— Ça te dit qu’on reste ensemble ? me propose-t-il tout à coup. J’ai un peu la trouille.

Son teint est redevenu pâle. Je lui souris de manière encourageante, soulagée de ne pas me retrouver seule au milieu de cette foule. Je remarque qu’il regarde avec inquiétude dans la direction d’un petit groupe réuni près des derniers bancs. Je reconnais alors Sally, Jean, Nick, Romain et Estelle, des amis avec qui nous traînions quand nous étions encore au lycée. Avec Natasha, nous formions une petite bande. La vedette de la journée reste quant à elle introuvable. Elle doit se préparer quelque part.

— Moi aussi j’ai la trouille, avoué-je finalement.

Louis hoche la tête d’un air déterminé et me prend la main.

— Aller, viens.

Il m’entraîne vers eux, essayant de paraître assuré. J’inspire un bon coup en me rappelant que je suis venue pour cette raison ; revoir mes amis.

— Agathe et Louis ! s’exclame Rick pour tout salut.

Il a encore grandi depuis la dernière fois que je l’ai vu – est-ce possible ? –, il doit être proche des deux mètres. Ses sourcils épais assombrissent son regard noir. Il est très intimidant.

Je dis bonjour à la cantonade en essayant de faire abstraction des regards inquisiteurs qui nous vrillent, mon compagnon et moi.

— Il était temps, renchérit Rick en donnant une tape amicale sur l’épaule de Louis.

Je suis étonnée qu’il l’ait attendu alors que moi-même je ne savais pas qu’il serait là. Louis m’a d’ailleurs dit qu’il s’était décidé à venir à la dernière minute. Lorsqu’Estelle – les jambes allongées, une robe courte à fleurs et un brushing parfait – ajoute sur un ton jubilatoire qu’elle pensait que Louis et moi ne nous déciderions jamais à franchir le pas, je comprends qu’il y a un gros quiproquo.

— Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? demande précipitamment Sally.

Ses yeux en amandes sont brillants d’excitation. Je m’attarde à peine sur sa robe chocolat, parfaitement ajustée, tellement je suis pressée de remettre les choses au clair.

— En fait…

— Un bout de temps, m’interrompt Louis. Mieux vaut tard que jamais, non ? J’ai juste était un peu long à la détente.

Jean – petit, brun et grassouillet – lui sourit d’un air complice et me fait un clin d’œil. Je suis perdue. Romain, toujours aussi athlétique et taciturne, semble s’ennuyer à mourir et bien qu’il me regarde, il ne remarque pas mon air affolé.

— J’étais loin de m’en douter, insiste Sally. Même Natasha a gardé le silence. Elle le savait, non ?

— Oui, elle le savait, répond tout naturellement Louis. Elle était tellement débordée avec l’organisation de son mariage. On ne peut pas lui en vouloir, pas vrai ?

Il me regarde d’un air de gamin, le jour de Noël, et attend ma confirmation. Je ne sais pas du tout à quoi il joue et je commence à me dire que j’ai dû mal comprendre sa proposition de rester ensemble ce soir. Je hoche néanmoins la tête en souriant du mieux que je peux et lorsque ses doigts se resserrent un peu plus autour des miens, je le prends pour un remerciement. J’ai besoin de lui parler. Maintenant.

— Oh regarde… chéri, improvisé-je. Ce ne serait pas… Jules ?

Louis me dévisage d’un air interdit et je suis obligée de lui faire les gros yeux.

— Ah oui, hésite-t-il en résistant quelque peu lorsque je le tire par le bras.

— Allons le saluer, insisté-je alors.

Il finit par comprendre et nous nous excusons auprès de nos amis pour nous éclipser. Je l’entraîne vers un autre groupe de personnes et il semble chercher qui il est supposé connaître parmi elles jusqu’à ce que je le pousse derrière une colonne à l’abri des regards.

— Il n’y a pas de Jules, hasarde-t-il alors en grimaçant.

— À quoi tu joues ? éludé-je. Ils croient tous qu’on est en couple !

Je suis furieuse. Mes mains tremblent et mon cœur a commencé une danse acrobatique inquiétante.

— Je sais, lâche Louis. Ils m’ont tendu la perche, je n’ai pas pu résister. C’est une bonne blague.

— Je ne trouve pas ça drôle, Louis. Ils se rappellent que je t’aimais comme si c’était tout ce qui me caractérisait.

— Et ils pensent que j’étais vraiment abruti de te repousser. Et alors ? On s’en fout. Ça leur donne de quoi parler à ces curieux.

Lui aussi paraît fâché désormais.

— Si tu ne voulais pas les voir, pourquoi es-tu là ? Tu aurais pu trouver mille excuses de ne pas venir à ce mariage.

— C’est vrai, mais je te l’ai dit : il y a quelqu’un que je voulais voir. À tout prix.

Je note la nuance avec ses premiers propos. À l’auberge, il m’a dit qu’il voulait voir quelques personnes, pas quelqu’un en particulier.

— Tu vas leur dire qu’on a menti ? ajoute-t-il sur un ton mielleux.

— On ? ON ! C’est toi qui les a laissé croire ça !

— Mais tu n’as pas démenti…

Je suis offusquée. Évidemment que je n’ai pas démenti, j’étais trop étonnée. Et même si j’avais compris plus rapidement ce qui se passait, je n’aurais pas su comment dire à Louis d’arrêter de blaguer là-dessus. Imaginer que lui et moi sommes ensemble et que les autres trouvent cela bien m’a fait un drôle d’effet.

— Alors, qu’est-ce que tu veux faire ? insiste Louis.

— Je ne sais pas. Ce serait un peu bizarre de retourner les voir et de dire que tu as tout inventé. Et puis, on ne peut pas les éviter.

— Jouons le jeu. Faisons comme si on était ensemble, propose-t-il, ravi. J’ai adoré que tu m’appelles « chéri ».

— Oh, arrête !

Je le réprimande, mais je ne peux pas m’empêcher de sourire. Il sait qu’il a déjà gagné et il se détend pour recommencer à se pavaner un peu.

— Je ne veux pas qu’Elliot s’imagine des choses, objecté-je encore.

— Il n’en saura rien. Je ne dirai rien à Annabelle, sinon, elle me tuerait.

— Annabelle ?

— C’est ma copine.

Cette révélation me donne l’impression d’avoir reçu un seau d’eau glacé sur la tête.

— Oh ! Et elle n’a pas pu venir ?

— Je lui ai dit qu’elle n’était pas invitée.

J’en reste comme deux ronds de flan.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Natasha a dit qu’on pouvait venir avec nos conjoints.

— Je sais bien. J’avais pas envie qu’elle soit là, c’est tout. Écoute Agathe, Elliot ne saura pas qu’on s’amuse à être en couple. Ok ? De toute évidence, tu n’es restée en contact avec personne, sinon ils auraient tout de suite su qu’on les embobinait à cause d’Elliot, justement. Même s’ils postaient des photos du mariage sur Facebook, ton copain ne les verrait jamais.

Je suis forcée d’admettre que Louis n’a pas tort, mais j’ai l’impression d’être piégée dans une impasse.

— Dis-lui, lance tout à coup Louis. Dis-le à Elliot. Raconte-lui qu’on fait une blague à ces crétins.

— Je ne peux pas faire ça…

— Pourquoi ? Je suis sûr qu’il ne les aime pas non plus. Ils l’ont déjà oublié d’ailleurs. Ça va le faire marrer.

— Non. Il… Il ne t’aime pas beaucoup. Enfin, ce n’est pas tant qu’il ne t’aime pas, c’est juste qu’il… Comment dire ?

— Il est jaloux ?

Je confirme.

— Mais il sait qu’il a gagné, non ? C’est lui qui est avec toi depuis tout ce temps. C’est lui que tu aimes, en fin de compte.

Ces propos me semblent étranges, comme emprunts de regrets. Je ne sais pas comment les interpréter, d’autant plus qu’ils ne sont pas totalement corrects. J’aime Elliot, c’est certain, mais j’ai toujours eu des sentiments pour Louis et le revoir aujourd’hui n’arrange pas mon méli-mélo intérieur.

Les premières notes de la marche nuptiale emplissent l’église et les conversations bruyantes se tarissent d’un coup. Je fais signe à Louis de me suivre et nous nous installons sur le banc le plus proche. François, le fiancé de Natasha, se tient devant l’autel avec le curé et son témoin tandis que la mariée entre dans l’église et commence à franchir l’allée centrale. On se croirait dans un film. Natasha est magnifique. Sa robe est énorme, bouffante et aussi étincelante que de la neige éternelle. Ses cheveux blonds sont délicatement maintenus en un chignon ample sous son voile. Son père rayonne de plaisir en la conduisant jusqu’à son futur époux et sa mère pleure déjà au premier rang.

Je m’efforce de me concentrer sur la cérémonie, mais je sens le regard scrutateur de Louis sur moi. Je lui jette un coup d’œil, mais il ne cille pas. Il ne paraît pas gêné de me dévisager ainsi alors que toute son attention devrait être portée sur son amie qui tend désormais la main pour recevoir son alliance.

— Quoi ? finis-je par demander dans un murmure.

— Qu’est-ce qu’on fait ?

— Pourquoi tu insistes autant ?

— Pour ne pas passer pour un menteur.

Je le regarde de nouveau et il me sourit. Son visage est adorable. Je n’avais pas pensé à lui depuis longtemps, je m’étais même forcée à l’oublier, mais tout mon dur labeur est réduit à néant. Je sais qu’il compte encore énormément pour moi.

— Bon, d’accord, cédé-je. Mais on s’en tient au strict minimum. Si on reste ensemble toute la soirée, ce sera suffisant.

Son sourire s’élargit et dévoile ses dents. Il a l’air aussi heureux que les mariés qui viennent d’achever leur baiser.


La salle des fêtes est élégamment décorée avec des rubans bordeaux accrochés aux portes et aux pots de fleurs. Les bouquets sentent bon le printemps et le champagne coule à flots. J’ai réussi à fausser compagnie à Louis le temps d’aller aux toilettes et j’en ai profité pour rejoindre la file d’attente des félicitations afin de parler un peu avec Natasha. Je suis venue pour elle et nous n’avons pas encore échangé un mot.

— Oh, Agathe ! s’écrie-t-elle en m’étreignant, d’énormes larmes ruisselant au coin de ses paupières.

C’est tout elle. Elle a toujours été très expressive et sensible. Elle me présente son fiancé et réclame ses félicitations que je lui octroie de bonne grâce. Pendant que François, un homme rieur et quelque peu bedonnant, se met à discuter avec le grand gaillard qui attendait derrière moi, j’en profite pour accaparer Natasha.

— Alors, lui dis-je, la cérémonie était à ton goût ? Tu es magnifique.

— Merci. Tout est parfait.

Elle me tend une coupe de champagne venue de nulle part et ajoute :

— Estelle m’a dit que tu sortais avec Louis. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!

Les complications commencent déjà à surgir. J’avale une gorgée pour me donner un peu de courage et finis par lui expliquer la situation.

— Je vois. C’est tout Louis ça. Quel plaisantin…

— Tu as dit à Estelle que tu ne savais pas ?

— Tu parles ! Je n’étais même pas sûre de ce qu’elle me disait et j’étais assaillie de câlins. Je lui ai dit qu’on parlerait plus tard.

Elle me fait un clin d’œil, ce qui me confirme qu’elle va marcher dans la combine. Je ne suis pas certaine que cela me rassure. Natasha fait un signe de la main à une personne derrière moi et je me dis que, après tout, c’est sa journée. Je la félicite encore une fois et m’apprête à la laisser avec ses autres amis, mais elle me retient par le bras et me dit :

— Tu sais, je n’y avais pas vraiment pensé sur le coup, mais Louis a finalement décidé de venir quand je lui ai dit que tu serais seule.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je crois qu’il est plus venu pour te voir que pour mon mariage.

Elle sourit d’un air de conspiratrice et je me demande si je n’ai pas fait un voyage dans le temps. Pourquoi le fait de retrouver tous mes anciens amis semble-t-il me ramener à l’époque où nous nous fréquentions. Les comportements et les sujets de conversations n’ont pas changé. Les relations non plus.

Natasha se fait finalement accaparer par d’autres personnes et je m’éclipse près de l’estrade du DJ.

— Je crois que cette plante aime autant le champagne que toi, me lance Louis quand je vide ma coupe dans le pot de fleur le plus proche. Elle est en plastique.

Il m’a finalement retrouvée. J’essaie de caler mon rire sur le sien, mais il me semble affreusement faux.

— Tu m’as laissé tomber, poursuit-il. Où étais-tu ?

— Je félicitais les mariés.

— Je parie que Nat a pleuré toutes les larmes de son corps.

— Elle n’était pas loin. Tu les as vus ?

Je désigne la cohue au milieu de la salle et il secoue la tête.

— J’irai quand la tempête sera passée, dit-il sagement.

— Ça ne t’inquiète pas que les autres aillent lui parler de ta petite blague ?

— C’est sa journée, ils ne vont pas lui parler de nous.

L’entendre dire « nous » me donne une crampe à l’estomac et j’ai chaud.

— Estelle lui avait déjà dit qu’on était « ensemble » quand je suis allée la voir.

— Ah bon ? Ce n’est pas croyable.

Il paraît à peine inquiet.

— Natasha marche avec nous, précisé-je néanmoins.

Comme s’il s’en doutait déjà, Louis ne semble pas surpris, mais plutôt satisfait.

— Tu veux danser ? me demande-t-il.

Surprise, j’en oublie presque ce que j’avais l’intention de lui demander.

— Ah non, ajoute-t-il, les mariés n’ont pas encore ouvert le bal.

Il éclate de rire en me prenant la main. Ce geste semble parfaitement naturel pour lui, comme à l’époque, comme avant que je lui confesse mes sentiments. Je regarde ses doigts enlacer les miens en savourant le contact de sa peau rugueuse et tiède. La chaleur continue de m’envelopper le corps.

— Louis, tu avais prévu tout ça ?

Il me demande de quoi je parle et je lui explique ce que Natasha m’a dit au sujet de sa venue au mariage.

— Alors, tu es venu parce que tu savais qu’Elliot ne serait pas là ? Tu avais prévu de faire le coup du « on est en couple » à tout le monde ?

Son visage semble se fermer et il paraît tout à coup plus sérieux.

— Je suis venu pour toi, c’est vrai. Mais je n’imaginais pas que les autres croiraient qu’on est ensemble. Ils m’ont donné l’idée.

— Pourquoi ? demandé-je en essayant d’avoir l’air impassible.

Qu’il soit venu uniquement pour moi me flatte et m’effraie à la fois. Nous ne nous sommes pas vus ni parlés depuis des années. Pourquoi aurait-il eu envie de me voir ?

— Tu me manques. Ce que j’ai dit tout à l’heure est vrai : j’ai été trop long à comprendre ce que je ressentais pour toi. J’ai vraiment été con, j’ai laissé passer ma chance et tu es avec Elliot maintenant. Mais ce soir, j’ai une occasion de passer du temps avec toi. Ça peut être notre soirée.

Je détourne les yeux et préfère regarder Natasha et François danser comme des fous sous les applaudissements des invités pour ne pas penser à ce que Louis vient de dire. Ces mots, ce sont ceux que j’ai toujours voulu entendre ; ceux que j’espérais qu’il allait me dire même après que nous nous sommes perdus de vue. J’avais fini par arrêter de les imaginer et par vivre ma vie – ma merveilleuse vie – avec l’homme que j’aimais et qui m’avait permis d’oublier mon premier amour. Pourquoi maintenant ? Je suis plus fâchée contre moi de ne pas savoir comment réagir que contre Louis de revenir me torturer impunément. Après tout, lui aussi a continué son chemin. Il a rencontré quelqu’un et il ne peut pas non plus se laisser aller à un amour de jeunesse qu’il faudra oublier dès le lendemain.

— Agathe, dis quelque chose… me supplie-t-il en me forçant à le regarder.

— Que veux-tu que je te dise ? Je ne comprends pas où tu veux en venir.

— Je… Tu me manques, répète-t-il finalement.

— Mais durant toutes ces années tu n’étais pas là. Tu as balayé chacun de tes amis chaque fois que tu rencontrais de nouvelles personnes. Tu ne m’appelais plus, tu ne répondais pas à mes messages. Je n’avais pas l’air de beaucoup te manquer.

— Excuse-moi. Je…

— Salut, je m’appelle Charles, l’interrompt un grand roux à l’air dégingandé. Tu veux danser ?

Il me tend la main et Louis le repousse du plat de la main.

— Elle est avec moi, dégage, dit-il.

Le dénommé Charles déglutit nerveusement avant de s’excuser et de disparaître.

— Viens, me dit Louis, allons sur la piste avant qu’un autre type vienne te chercher.

Il m’entraîne parmi les danseurs et reprend naturellement la conversation où nous l’avions laissée :

— Bien sûr que tu me manquais. J’ai passé les dix dernières années à regretter de ne pas avoir saisi ma chance quand tu me l’as donnée ! Je ne répondais pas à tes messages et à tes appels parce que je ne voulais pas te gâcher la vie. Tu as l’air heureuse avec Elliot.

— Je le suis, confirmé-je d’une voix légèrement éraillée.

— Je sais bien, soupire-t-il. Je suis désolé.

— Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?

— Annabelle…

Nous tournoyons assez maladroitement et je regrette de porter des escarpins hauts, mais mes douleurs plantaires sont reléguées au second plan derrière le choc de cette conversation.

— Annabelle ? répété-je, perdue.

— Ça fait plusieurs mois qu’on est ensemble et c’est la première fois que je reste aussi longtemps avec une fille, mais je n’arrête pas de penser à toi. J’avais besoin de savoir ce qui se passerait si je te disais que je t’aimais…

— Que tu m’aimais ? balbutié-je.

— Évidemment. Je t’aime. Et je t’ai toujours aimé. J’étais juste trop con pour l’accepter. J’avais peur que ça ne marche pas entre nous, que ça gâche notre complicité. Finalement, je t’ai perdue dès que je t’ai repoussée. Je suis désolé.

J’ai l’impression de défaillir et quand je sens les bras de Louis se raidir sous les miens, je comprends que mes jambes ne me tiennent plus.

— Ça va ? Tu veux t’asseoir ?

— Oui, ce sont ces chaussures… prétexté-je.

Louis me porte presque jusqu’à la table la plus proche, chassant sans cérémonie un couple occupé à siroter des cocktails. Il m’aide à m’asseoir et tire une chaise à côté de moi pour y prendre place. Une main derrière mon dos pour me maintenir droite, il me taquine :

— Cette coupe que tu as versée dans la plante tout à l’heure, ce n’était pas la première. Avoue !

Je lui souris, mais mes yeux se remplissent de larmes quand je regarde son visage inquiet, masqué par un air ravi quelque peu forcé.

— Tu sais que c’est trop tard, Louis, sangloté-je sans pouvoir me retenir davantage.

Il pose son autre main sur ma cuisse pour attraper les miennes et les serre entre ses doigts.

— Je le sais, mais laisse-nous juste profiter de cette soirée. Laisse-la être notre soirée, Agathe. Ne pense pas à demain, oublie tout ce que tu vivais hier. Il n’y a que nous maintenant, juste toi et moi. Ici. Profite de ce moment. Je sais que tu m’aimes encore.

Ces derniers mots sonnent encore plus comme une supplication que les autres. Il a raison et je m’en veux de trouver un réconfort dans ses paroles, mais c’est comme si mon corps tout entier me criait : « C’est maintenant ou jamais ! »

Je le fixe encore un instant et ses yeux me lancent eux aussi un appel désespéré. Ils sont sans doute aussi brillants que les miens et je ne me rappelle pas l’avoir déjà vu aussi ému. Je hoche simplement la tête, regardant désormais nos mains serrées sur mes genoux. Il desserre nos doigts et soulève délicatement mon menton pour m’obliger à le regarder encore.

— Tu es tellement belle, murmure-t-il avant de se pencher pour m’embrasser.

Cette fois, c’est trop tard. Tous les membres de l’assemblée peuvent nous voir, n’importe qui peut prendre une photo, la poster sur un réseau social et la partager avec ses amis. Parmi eux, peut-être, se trouve un ami d’Elliot qui finira par lui montrer le cliché fatidique. Mais je ne veux pas m’en soucier. Je savoure le contact tiède des lèvres de Louis et la douceur de sa langue qui a un léger arôme de champagne. Je goûte chacun de ses gestes : sa paume contre ma nuque, ses doigts qui enserrent les mèches de mes cheveux, son autre main au creux de mes reins. Mon corps tout entier se détend et se laisse aller à cette étreinte langoureuse attendue et espérée depuis si longtemps.


La nuit m’a semblé courte. Après la fête, qui s’est étirée jusque 4h du matin, Louis et moi avons regagné notre chambre à l’auberge et nous avons discuté jusqu’à ce que l’aube se laisse deviner par la fenêtre. Nous nous sommes livrés l’un à l’autre et nous avons partagé nos sentiments, nos âmes et nos corps. Après de brefs au revoir avec nos anciens amis, qui ont cru à notre couple jusqu’à la fin, Louis m’a accompagnée jusqu’à la gare.

— On doit se quitter, dit-il quand l’arrivée de mon train est annoncée. C’était le plus beau moment de toute ma vie.

Je suis tentée de lui répondre que pour moi aussi, mais je sais que ce serait la passion qui parlerait pour moi. Les mots restent noués dans ma gorge. Je n’ai pas envie de partir. Rien en moi ne se sent attiré par le départ. Je veux passer le restant de mes jours avec Louis, mais quand je serai rentrée chez moi et que je retrouverai Elliot, je comprendrai que je me suis égarée et que j’ai enfin retrouvé ma véritable place. Je laisse donc Louis m’étreindre et me murmurer à l’oreille qu’il m’aimera toujours. Je ne lui dis pas que moi aussi. Il le sait. Tout comme il sait que ce moment que nous avons vécu ensemble touche à sa fin et ne se reproduira jamais. Il semble néanmoins attendre une réaction de ma part et je me permets de déposer un dernier baiser sur ses lèvres. Un baiser chaste, doux et conclusif. Il me prend par les épaules et me sourit. Des larmes roulent sur ses joues.

— J’ai attendu trop longtemps, dit-il, c’est la plus grosse bêtise de ma vie.

Je lui dis adieu avant de monter dans le train sans me retourner. Je suis brisée. Ce serait trop difficile de le voir rapetisser sur le quai jusqu’à disparaître, comme les lueurs d’une autre vie qui aurait pu être la mienne.


— Réveille-toi petite marmotte !

J’émerge d’une sorte de coma douloureux et découvre Elliot debout devant moi, un tablier autour de la taille et une spatule en bois dans la main.

— Bah dis donc, tu t’es éclatée à ce que je vois. Tu as la gueule de bois ou je rêve ?!

— Ça doit être ça, marmonné-je.

Je me sens décomposée, comme si j’avais perdu une partie de moi en cours de route. Et c’est effectivement ce qui m’est arrivé.

Je me rappelle être revenue de la gare très tard et m’être endormie aussitôt sur le canapé. Je regarde mes pieds pour vérifier que j’ai bien enlevé mes chaussures et Elliot éclate de rire.

— Je t’ai déshabillée, dit-il. Tu étais trop crevée pour aller jusqu’à la chambre alors je t’ai laissée là. J’espère que tu n’es pas trop cassée.

— Ça va, mens-je.

— J’ai préparé des crêpes, rien de tel contre les lendemains de fête ! Va te doucher le temps que je finisse.

J’obéis, contente de retrouver ma vie.


Après relecture de cette nouvelle, je suis un peu déçue. Déjà, je comprends que le sujet ne m’intéresse pas particulièrement. Ensuite, je ressens une sorte de culpabilité vis à vis des motivations qui m’ont poussées à écrire sur ce thème – plaire aux lecteurs –, mais aussi une sorte de honte quant à mes influences – tous ces romans à l’eau de rose qui apportent des intrigues déplacées et immorales en cinquantes nuances ou avec des crocs acérés par exemple.

Plus techniquement parlant, le texte manque d’humour, comme souvent, et il ne me parait pas raffraîchissant. De plus, il y a de nombreux problèmes de concordances des temps. J’identifie assez facilement la cause de ces problèmes : l’écriture au présent. Je suis habituée aux temps du récit au passé et cela se voit.

Pour conclure, je dirais qu’il fallait bien que j’essaie d’écrire exclusivement sur une romance moderne, sans fantasy ni fantastique, pour me rendre compte que ce n’est pas mon truc.