Akemi no sekai

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Le basilic · Lectures hétéroclites de contes indiens à Guillaume Musso

Les larmes rouges de Georgia Caldera

Publié le 24/06/2020 dans Lectures.

Ma nouvelle lecture m’a emmenée dans l’univers sombre et passionné créé par Georgia Caldera, Les larmes rouges, paru pour la première fois en 2011. Il s’agit d’une lourde trilogie gothico-moderne relatant les mésaventures d’une jeune femme, Cornélia, qui voit sa vie basculer lorsqu’elle rencontre un certain châtelain.

Il s’agit, une fois n’est pas coutume, d’une histoire de vampires. Celle-ci nous réserve cependant quelques surprises qui valent le détour.

Couverture du livre représentant un ancien château gothique dissimulé dans les bois.

Résumés (avec détails révélateurs)

Tome 1 : Réminiscences

Cornélia, 19 ans, est mal dans sa peau. Depuis que sa mère et sa meilleure amie sont mortes, elle est seule au monde, rejetée par son père qui ne l’aime pas et moquée par ses camarades de fac. Déprimée, elle se jette d’un pont parisien pour en finir avec la solitude et la voix effrayante qui résonne dans sa tête. Elle se réveille finalement à l’hôpital et apprend qu’un certain monsieur de Maltombes l’a sauvée de la noyade.

Inquiet à l’idée qu’elle pourrait recommencer, son père décide de l’emmener dans leur maison de famille à la campagne afin qu’elle se remette. Elle y rencontre alors Henri de Maltombes, un châtelain solitaire et taciturne très peu apprécié dans le voisinage. Il a la réputation d’être dangereux et est même soupçonné de meurtre… Pourtant, il s’agit bien de l’homme qui a évité la mort à Cornélia. Intriguée et fragilisée par la voix qui la tourmente, ainsi que par des hallucinations de plus en plus sauvages, elle se rapproche de cet homme certes froid et hautain, mais fascinant. Elle commence à faire des rêves dans lesquels elle vit une autre vie, dans le château d’Henri qui veille sur elle. Elle ne tarde pas à découvrir leur véritable identité à tous les deux, ainsi que l’origine de ses propres tourments. Elle est la réincarnation de la seule hybride, mi-humaine, mi-vampire, existant en ce monde. Elle quitte alors progressivement sa vie insipide et morne pour entrer dans un univers fantastique déroutant et dangereux. En effet, Avoriel, vampire originel et géniteur d’Henri, cherche à lui mettre la main dessus pour obtenir un héritier. Dans sa première vie, Henri a échoué à la protéger, bien que Avoriel ne soit pas parvenu à ses fins. À cette époque, Cornélia, rendue folle de chagrin par la mort de son époux, s’était elle-même ôté la vie sans que son protecteur ne puisse l’en empêcher. Aujourd’hui, Henri est déterminé à la sauver, quoi qu’il lui en coûte.

Tome 2 : Déliquescence

Les pouvoirs de Cornélia évoluent, ainsi que son attachement pour Henri. Ils sont parvenus à tenir Avoriel à distance et ont appris que ce dernier, après avoir engendré un treizième vampire de premier rang, a perdu beaucoup de forces et s’est enseveli sous terre pour se régénérer. Henri décide de profiter de cette aubaine pour réunir son ancienne cour et préparer une offensive contre le roi qui les opprime. La rencontre de nouveaux vampires et de leurs coutumes sauvages et carnassières ébranle Cornélia, qui réalise peu à peu, comme lors de son ancienne vie, qu’Henri est monstrueux. Elle décide de le quitter, mais se rend bien vite compte qu’elle ne peut pas vivre sans lui. Lorsqu’elle le retrouve dans son château, il est sous l’emprise d’un autre vampire jaloux qui tente de lui dérober ses pouvoirs en lui volant son sang. Pour sauver l’homme qu’elle aime, Cornélia laisse son aura vampirique la submerger et élimine leur adversaire. Elle possède le pouvoir de mort sur les autres vampires alors que jusque-là, seul Avoriel en était capable. Cela la transforme, lui faisant peu à peu perdre son humanité.

Sa relation avec Henri devient plus passionnée et charnelle et elle découvre que grâce à son sang, elle peut visiter les souvenirs de son amant. Il s’agit là d’un nouveau pouvoir dont elle ne lui parle pas tout de suite, car il refuse systématiquement de se confier à elle, honteux de ce qu’il a été.

Parallèlement à cela, Cornélia entend et voit, par l’esprit, un vampire sans yeux, emprisonné dans un asile. Elle pense d’abord qu’il s’agit de son ancien époux, celui de sa vie antérieure, Maxime, qui s’était arraché les yeux sous l’emprise d’Avoriel. Elle n’ose pas aborder le sujet avec Henri qui est profondément jaloux. Il croit que Cornélia consent enfin à être avec lui, uniquement parce que Maxime est mort. Il s’imagine n’être qu’une sorte de second choix pour elle. Il s’avère que finalement le prisonnier connecté à l’esprit de Cornélia est le treizième vampire d’Avoriel. Henri organise son évasion et l’intègre à sa cour. Il s’appelle Séraphin et possède de grands pouvoirs.

Tome 3 : Quintessence

Maxime est de retour. Alors qu’Henri le croyait mort, il était en fait enfermé dans le repaire d’Avoriel qui se nourrissait de son sang, et vice versa. Il a vécu l’enfer pendant près de 3 siècles et revient réclamer Cornélia, sa femme. Même lorsqu’il apprend qu’elle n’est plus la même, mais une réincarnation, il insiste pour passer du temps avec elle afin de la reconquérir. Elle n’en a pas envie, elle ne ressent plus rien pour lui, mais Henri accepte la requête de son ancien ami. Leur relation triangulaire est complexe et la présence de Maxime n’est pas appréciée. D’autant plus qu’il est celui qui, en s’évadant de chez Avoriel, a volé les yeux de Séraphin et l’a fait enfermer dans un asile humain parce qu’il pensait qu’il était la dernière arme créée par Avoriel pour s’en prendre à Cornélia.

Cette dernière développe des pouvoirs insensés et commence à penser qu’elle est la seule à pouvoir vaincre Avoriel. Elle le voit en rêve, alors qu’il essaie de l’attirer dans un nouveau piège, mais également en souvenirs, par le biais du sang d’Henri, dont il est le géniteur. En effet, après une visite chez le Dissident, Cornélia et Henri ont appris qu’il existe un Ancien Clan d’immortels dont Avoriel est issu. Il n’est pas le vampire originel, comme il le prétendait. Le Dissident et la Devineresse expliquent à Cornélia qu’elle et Henri sont la clé du renouveau et qu’ils se doivent de concevoir un enfant pour faire évoluer leur espèce. Henri étant traumatisé par son passé – il pense qu’il a tué sa femme et son fils, comme Avoriel le lui a dit – il a déjà confié à Cornélia qu’avoir des enfants ne l’intéressait pas. Elle n’ose donc pas lui parler de cette révélation si importante. Ce qui la tourmente davantage, c’est qu’elle a appris que si Avoriel est tué, tous ses « descendants » périront avec lui, Henri y compris. Cornélia doit trouver les réponses dans le sang. Elle sonde alors les souvenirs d’Avoriel pour découvrir comment procéder pour l’anéantir. Alors qu’Henri lui a fait jurer qu’elle resterait à l’abri, elle l’abandonne le jour de leur mariage en lui faisant croire qu’elle s’enfuit avec Maxime, afin qu’il ne la suive pas. Elle part en fait retrouver Avoriel pour l’affronter seule. Elle comprend également qu’elle attend déjà l’enfant d’Henri et s’en sert pour manipuler le roi des vampires dont l’héritier tant désiré se présente enfin. Henri ayant été le véritable descendant de la vie humaine d’Avoriel, il tient énormément à son enfant et ne peut faire de mal à Cornélia. Celle-ci a compris que le vampire était quelqu’un de bien avant de devenir fou à cause de l’influence et du pouvoir de l’Ancien Clan. Elle découvre également que pour survivre à l’anéantissement de leur roi et géniteur, les vampires doivent se nourrir de son sang à elle, l’hybride, comme le Dissident l’avait fait en son temps. Séraphin, avec qui elle reste en contact par l’esprit, dévoile finalement son plan à Henri qui vient la retrouver avec toute son armée. La bataille fait rage, beaucoup de vampires sont décimés, et Cornélia et Henri parviennent enfin à tuer Avoriel. Ce dernier part en paix, libéré des voix des Anciens et se souvenant de son amour perdu.

Ensemble, heureux et amoureux, Henri et Cornélia fondent une nouvelle société vampirique et font des bébés.

Mon avis

Ce que j’ai aimé

Incontestablement, le point fort de cette trilogie, et ce que j’en ai préféré, c’est le personnage d’Henri. Il incarne le vampire par excellence. Élégant, hautain, taciturne et mélancolique, il dissimule ses émotions, accepte sa nature sans pour autant apprécier sa condition et possède de grands pouvoirs. Dans l’organisation de la société vampirique, il est le Prince, le premier vampire créé par Avoriel. Il est respecté des siens et tient son rôle, bien qu’il n’en a aucune envie.
Il a un style excellent, les descriptions de son regard, toujours chargé des divers sentiments qui l’habitent, sont saisissantes et il ne peut qu’inspirer la sympathie, bien qu’il soit froid et distant avec tout le monde.

Il a ce côté noble, torturé et passionné qui m’a aussitôt fait penser à Mr. Darcy, le personnage d’Orgueil et préjugés de Jane Austen. D’ailleurs, ce roman est cité dans l’œuvre de Georgia Caldera comme étant le préféré de Cornélia. Je ne crois pas me tromper en supposant que l’auteure apprécie elle-même Mr. Darcy et a voulu insuffler une part de son mystère et de sa prestance à Henri de Maltombes.

Le deuxième point qui me plait dans Les larmes rouges, c’est la façon d’aborder le mythe du vampire et la richesse des descriptions et des actions concernant ces êtres fantastiques. Loin de proposer une version « moderne » de ces créatures, l’auteure nous impose des vampires portés davantage sur les orgies sanguinolentes, la volupté et le sadisme, mais aussi sur les règles à respecter, un peu comme le comte Dracula de Bram Stoker. Henri et compagnie évoluent dans une sphère aristocratique, ils glissent au plafond, organisent des bals où les « humains de compagnie » servent de buffet à volonté, profitent de leurs ébats sexuels pour croquer leurs victimes, etc. L’étalage de leurs méfaits est là pour mettre mal à l’aise et inciter le lecteur à attendre le moment où Cornélia dira stop, parce qu’elle ne peut pas supporter cette sauvagerie. Pourtant, ni elle, ni le lecteur, ne veulent sortir de là…

Ce qui m’amène au troisième point qui me plait : la sensibilité de certains vampires. Maxime ne peut accepter sa condition – il a d’ailleurs demandé à Henri de le changer uniquement pour sauver sa sœur, prisonnière d’Avoriel. Il va jusqu’à refuser de boire du sang humain. Cela n’a rien de glorieux ou de beau, comme dans certaines histoires de vampires, puisqu’il est rongé petit à petit par la faim, ne peut posséder aucun pouvoir et dépérit à vue d’œil. Loin d’être un vampire attirant, il ressemble en fait au cadavre qu’il devrait être. Henri quant à lui a appris à faire autrement. Il ne montre à personne qu’il se répugne lui-même, surtout depuis que la première Cornélia l’a insulté de monstre et lui a reproché ses crimes – et surtout depuis qu’elle a été témoin malgré elle d’une orgie et qu’elle lui a préféré l’innocent Maxime. Lorsqu’il est chez lui, Henri ne tue que ceux réclamant la mort, comme les vieillards ou les gens malades. Il garde du sang en bouteilles puisque la condition vampirique ne demande de « cueillir » qu’une seule vie par an, et se nourrit régulièrement dans ces réserves. Il fait allusion au fait qu’au XXIᵉ siècle, il y a des moyens pratiques de se procurer du sang sans s’abreuver à la source.

Dernier point intéressant, la narration des souvenirs. Le fait que Cornélia rêve d’abord de ses réminiscences, puis voyage à travers les souvenirs d’Henri et d’Avoriel, rythme le récit et apporte bon nombre d’informations capitales. C’est un excellent moyen d’éviter les dialogues à rallonge et d’accentuer les émotions des personnages. En effet, alors qu’elle découvre le passé d’Henri, elle comprend pourquoi il ne souhaitait pas lui en parler et réalise qu’il est rongé par la culpabilité et la peine.

Ce que je n’ai pas aimé

Couverture du tome 1 aux Éditions du chat noir représentant une jeune femme rousse, pleurant du sang, menacée par des mains aux ongles acérés posés sur ses épaules.

Tout d’abord, le début du roman. En effet, l’intégralité du passage présentant Cornélia, sa fragilité et son rétablissement après sa tentative de suicide est long et ennuyeux. Le personnage n’est pas attachant, parait même un peu trop pleurnichard et est dans un tel état d’apathie que l’on s’endormirait presque.

S’il n’y avait pas eu ces quelques flashs sanglants, alors qu’elle est inconsciente, je n’aurais pas continué la lecture. D’autant plus que le résumé ne laisse rien présager de la teneur de l’histoire. Seule l’illustration de la couverture du tome 1 (aux Éditions du chat noir, paru en 2011), avec les longs doigts terrifiants sur les épaules de la jeune fille, donne une idée de ce dont on va parler ici.

Deuxième point, Cornélia elle-même. Elle n’est pas intéressante, même une fois qu’elle découvre qui elle est et son potentiel. Elle ne fait que prendre les mauvaises décisions et ne comprend rien. Soit elle accepte trop vite ce qu’il se passe, soit elle est bornée comme ce n’est pas permis. Je ne comprends pas l’attachement qu’Henri éprouve pour elle, surtout que dans les réminiscences, sa vie antérieure est encore plus ingrate et insupportable.

Troisième point, qui est lié aux deux précédents, la lenteur du récit. Une fois qu’Henri intervient dans l’histoire, on voudrait en apprendre tout de suite davantage sur lui, mais il instaure une règle absurde obligeant Cornélia à déjeuner chez lui en échange d’une seule question. Cela rend le déroulement terriblement long et frustrant, voire même répétitif. Et quand Cornélia se retrouve de nouveau seule, il y a tant d’interrogations en suspens que c’est dérangeant. Le lecteur est trop impatient de retrouver Henri et ses explications. C’est bien de nous garder attachés à l’histoire, mais nous voulons pouvoir souffler aussi.

Ce qui m’amène au point suivant, la longueur des chapitres. Certains sont plutôt courts, 4 ou 5 pages, d’autres en revanche peuvent atteindre la trentaine de pages ! Alors quand je me dis que je m’arrête de lire à la fin du chapitre, cela peut me prendre 2 heures !

Dernier point qui ne m’a pas plu du tout, la mort de Séraphin ! Il semblait être l’incarnation même du nouveau vampire, celui qui est influencé par son amie humaine et voit l’organisation de la société vampirique d’un autre point de vue. Il est délicat et a des émotions pures. Il est un personnage important dans le troisième tome, car il permet à Cornélia de mener à bien son plan et de sauver tous ceux qu’elle aime. Malheureusement, lui périt des mains du roi sombre. C’est trop cruel !

Conclusion

Bien que l’histoire globale soit assez prévisible – Cornélia va tomber amoureuse d’Henri qui en fait l’aime depuis 3 siècles, ils vont subir des épreuves, mais parvenir à vaincre leur ennemi et avoir des enfants (puisque c’est l’un des points clés de la condition d’hybride de l’héroïne) – le récit est bien mené, les personnages sont profonds et les décors atypiques.

La lecture, après ce long moment d’ennui au début, est plutôt plaisante. Il est vrai que l’on attend le dénouement avec plus ou moins d’impatience. On aimerait parfois que les moments d’accalmie soient plus présents, que l’on ait le temps d’appréhender la douceur et la fragilité d’Henri, qui pense ne pas avoir d’âme, mais qui agit bien plus comme s’il en avait une que Cornélia. Cette dernière est trop souvent irrationnelle et agaçante dans ses décisions. D’abord, elle va tout le temps à l’encontre de l’avis de son compagnon, ce qui n’est pas logique étant donné qu’il a plusieurs siècles d’expérience et qu’il connait mieux leur ennemi. Et ensuite, même si elle n’est pas complètement humaine, voir un vampire se reposer dans son cercueil – dans un bain de son propre sang putride, le corps et les traits figés dans un masque de mort – ou encore, les crocs pendus à la gorge d’une femme envoûtée pour lui offrir son sang, aurait plutôt dû la faire fuir que de l’amener à aimer son protecteur. Ceci dit, la personnalité de ce dernier est tellement bien travaillée que cela occulte presque l’aspect « cadavre qui se repait de sang ».

Globalement, si l’on parvient à mettre de côté le petit sentiment d’irritabilité que Cornélia fait mariner en nous, cette lecture est des plus plaisantes. Bien sûr, il faut avoir le cœur accroché et ne pas se laisser choquer par les moments intimes, qu’ils soient sexuels ou sanglants – ou les deux mélangés –, entre les différents personnages. Si l’on pense trop que les vampires ne sont ni plus ni moins que des macchabées – ce que l’auteure nous rappelle sournoisement de temps à autre –, il y a de quoi faire des cauchemars et être écœuré. On peut aussi, tout simplement, se plaire à pénétrer dans cet univers fantastique marqué d’une touche gothique appréciable et d’une sensualité envoûtante. Ce fut mon cas et je suis bien contente d’avoir découvert cette trilogie. Les lieux et les personnages sont toujours richement décris, ce qui permet de nous faire une bonne idée de ce qui se passe. Je ne dirais pourtant pas non à une adaptation cinématographique. L’ambiance serait certainement très cool. Cette lecture m’a aussi donné envie de redécouvrir Lestat et Louis, les vampires d’Anne Rice (Entretien avec un vampire) que, pour le coup, je n’ai vu qu’en film et qu’il me plairait bien de découvrir en livre.