Akemi no sekai

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Sept jours pour une éternité de Marc Levy · Inktober, première partie

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand

Publié le 20/10/2021 dans Lectures.

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand (1897) est une pièce que j’avais envie de découvrir. J’ai sans doute vu le long-métrage avec Gérard Depardieu, mais aussi Edmond, film de 2019 proposant une histoire sur les circonstances dans lesquelles Rostand aurait écrit la pièce. Plus récemment, la lecture d’un extrait par un vidéaste sur internet m’a poussé à lire l’intégralité de la pièce.

Résumé

Couverture d’une édition de la pièce représentant Cyrano avec son gros nez.

Cyrano, fervent manipulateur de la lame et des mots, est amoureux de Roxane. Il n’ose cependant pas lui avouer ses sentiments, car il se trouve laid à cause de son grand nez.

Roxane le considère comme un frère, aussi vient-elle le trouver pour lui demander de veiller sur l’homme qu’elle aime, Christian, qui intègre son régiment. Cyrano en a le cœur brisé, mais par amour, il accepte.

Lorsqu’il fait la connaissance de Christian et lui apprend que Roxane attend une lettre de sa part, le jeune homme révèle à Cyrano qu’il est incapable d’écrire quoique ce soit tant il manque d’esprit et de talent pour manipuler les vers. Désespéré, Cyrano lui propose d’écrire pour lui et de lui souffler toutes les belles choses qu’il pourra dire à sa bien-aimée.

Roxane est emballée par les vers qu’elle croit venir de Christian. Les deux jeunes gens se marient en secret avant que le bataillon de Cyrano et Christian ne parte tenir un siège.

La séparation est longue et Cyrano, éperdument amoureux et ne pouvant vivre son amour qu’au travers des lettres qu’il écrit pour Christian, en envoie une chaque jour à Roxane. Celle-ci s’enflamme d’amour pour l’âme romantique qui s’incarne dans ses vers. Elle se rend sur le champ de bataille pour revoir Christian, pensant toujours que les écrits sont de lui. Comprenant que Cyrano aime aussi Roxane, Christian lui demande de dire la vérité, car il sait désormais que la jeune femme ne l’aime plus lui, mais l’auteur des lettres. Juste avant que Cyrano ne puisse révéler la vérité à Roxane, Christian est tué. Bien qu’il soit convaincu que Christian avait raison et que Roxane pourrait l’accepter, malgré son gros nez et sa laideur, pour la beauté de son âme aimante, Cyrano ne confesse pas son amour. Il laisse Roxane pleurer son époux et continuer de penser qu’il était l’auteur de tous les vers qu’elle avait reçus, notamment ceux de la lettre d’adieux que Christian portait sur lui, en prévision d’une mort certaine sur le champ de bataille.

Durant quinze ans, Roxane se retire au couvent pour faire son deuil. Cyrano, son ami, continue de lui rendre visite et tente de la distraire. Lui, dont le cœur se meurt davantage chaque fois qu’il la voit aussi malheureuse pour son amour perdu. Un jour, après un malheureux accident le condamnant à mort, Cyrano vient voir Roxane et lui parle de Christian et de sa lettre d’adieux. Roxane la lui fait lire, et remarque que Cyrano peut réciter les vers même dans le noir. Il les connait par cœur. Elle comprend alors que c’est lui qui les a écrits et réalise qu’il en a toujours été ainsi. Cyrano meurt donc soulagé d’avoir révélé son amour et heureux qu’il fut accepté.

Ce que j’en pense

Points négatifs

La pièce est longue et il est assez difficile de s’y plonger. Il y a beaucoup de personnages, on tourne pas mal autour du pot pour rentrer dans l’intrigue et tout cela semble un peu fouillis. Les premières scènes de l’acte I sont tellement chaotiques qu’il est quasi impossible de l’imaginer quand on lit seul dans son coin. En revanche, malgré la difficulté que cela doit représenter pour la mise en scène et le jeu, sur les planches ce doit être grandiose.

Les présentations de décors en début d’acte coupe un peu l’immersion. Une fois de plus, ce doit être primordial pour une représentation de la pièce.

Les personnages de Roxane et de Christian semblent peu approfondis, contrairement à celui de Cyrano que l’on cerne bien.

Points positifs

L’intrigue est prenante, on ne peut que ressentir de l’empathie et de la sympathie envers Cyrano. Mises à part ses fanfaronnades et sa susceptibilité – qui ne traduit qu’un manque de confiance en lui, compensé par ses tendances à jouer les durs et à cogner – Cyrano est touchant. Il prend une décision majeure dont il sait qu’il va payer le prix. S’immiscer ainsi dans la romance de celle qu’il aime ne peut que le faire souffrir, mais il a besoin de dévoiler ses sentiments, d’une manière ou d’une autre.

Le personnage de Cyrano est donc très bien construit. De plus, nombre de ses répliques sont poignantes. Il est poète dans l’âme. Il aime sincèrement Roxane, tout comme il se déteste profondément. Il est dur avec lui-même. C’est très émouvant, notamment dans la dernière scène où il confesse enfin ses sentiments. Il parvient encore à se fustiger en signalant que, mourant des suites d’un accident tout bête, il rate sa mort au même titre qu’il a raté sa vie. Quelle triste façon de se percevoir.

Je n’ai pas de gants ?... la belle affaire !
Il m’en restait un seul... d’une très vieille paire !
– Lequel m’était d’ailleurs encor fort importun.
Je l’ai laissé dans la figure de quelqu’un.
Acte I, Scène IV

Dans cette scène, Cyrano veut empêcher un homme contre qui il a des griefs de jouer au théâtre. Un vicomte s’interpose et Cyrano le bouscule avec ses mots, sous menace de son épée.

Qui j’aime ?... Réfléchis, voyons. Il m’interdit
Le rêve d’être aimé même par une laide,
Ce nez qui d’un quart d’heure en tous lieux me précède ;
Alors, moi, j’aime qui ?... Mais cela va de soi !
J’aime – mais c’est forcé ! – la plus belle qui soit !
Acte I, Scène V
Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance
Pourrait bien me laisser cette protubérance !
Oh ! je ne me fais pas d’illusion ! – Parbleu,
Oui, quelquefois, je m’attendris, dans le soir bleu ;
J’entre en quelque jardin où l’heure se parfume ;
Avec mon pauvre grand diable de nez je hume
L’avril, – je suis des yeux, sous un rayon d’argent,
Au bras d’un cavalier, quelque femme, en songeant
Que pour marcher, à petits pas, dans de la lune,
Aussi moi j’aimerais au bras en avoir une,
Je m’exalte, j’oublie... et j’aperçois soudain
L’ombre de mon profil sur le mur du jardin !
Acte I, Scène V

Ces deux répliques proviennent d’une scène où Cyrano confesse son amour à son ami Le Bret. C’est la première fois que l’on voit la fragilité de son âme. C’est une belle scène.

Il y en a tant d’autres ! De nombreuses répliques m’ont touchée. Il serait bien trop long de toutes les raporter. Vas donc lire la pièce, tu comprendras ^^.

La scène durant laquelle Christian doit répéter, sous le balcon, les vers que lui souffle Cyrano, est sublime. Il fait noir, Roxane ne peut voir son amoureux sous le balcon, mais elle s’étonne qu’il hésite tant dans ses mots. Cyrano prend alors sa place et improvise une excuse au fait que ses mots ont du mal à l’atteindre, tout là-haut. Roxane remarque la différence de voix, mais n’identifie pas celle de Cyrano. Elle le croit quand il met cela sur le compte de l’emportement à révéler son âme. Car cette fois il y est, il prononce les mots qu’il a toujours voulu lui dire. Il le fait pour lui, sans barrière. Sa passion et sa façon de se laisser aller sont palpables. Il s’agit de l’une des scènes les plus touchantes.

D’autres scènes m’ont émue, me rendant le personnage de Cyrano de plus en plus attachant. Il est de ceux à qui le lecteur (ou spectateur) peut facilement s’identifier malgré la distance entre les époques et les mœurs.

Conclusion

Cyrano de Bergerac est une magnifique pièce française qui gagnerait à être vue plutôt que lue. Une adaptation moderne pourrait être intéressante, un peu dans le style du film Roméo et Juliette de 1996.

Les passages amusants et les moments dramatiques forment un équilibre précaire. Au final, il s’agit bien d’une tragédie. Avant de mourir, Cyrano est assuré que Roxane l’aime, mais il n’aura pas pu profiter de cet amour. C’est tellement triste.


J’aime bien lire des pièces de théâtre. Je me contentais de le faire à l’école, puis j’avais laissé de côté. C’est pourtant bien agréable. Je préfère néanmoins les fins heureuses.